Les grands-parents
maternels
de mon Papa
Mémé et Pépé Jaillet
Il s'épousent en 19xx. Elle est rempailleuse de chaises lorsqu'il part à la guerre en 1914, quand il revient il est ouvrier en scierie, maçon, couvreur (ballastre).
Les filles grandissent, se marient. Chantal reste dans le coin, à Laives. Nicole habite à Juan-les-Pins, sur la côte.
Jean-Marie est toujours maçon et pompier volontaire. Il est également porte drapeau des anciens combattants.
Jean-Marie et Jeanne deviennent grands-parents.
Marc, fils de Nicole et René, naît le 26 septembre 1968. Sylvie, fille
de Chantal et Pierrot, naît le 30 septembre de l'année suivante.
Plus tard, Sébastien, second fils de l'aînée, naît le 1er septembre 1976,
suivi de Franck, fils de la cadette, qui naît le 26 octobre 1978.
C'est un pépé farceur et joueur. Il est aussi
très radin et ronchon. C'est vrai qu'il n'a jamais donné une seule
pièce aux enfants pour aller à la fête en été.
Mémé donne en cachette. Il est sans arrêt en train d'éteindre
la lumière, même à la nuit tombée et il interdit
le téléphone.
Mais il est généreux avec le cœur. Il est toujours prêt à rendre service.
Il est naturellement courageux et serviable.
Il fait des travaux de grande envergure et fait profiter les siens de ses compétences professionnelles.
Ils prennent encore du grade et deviennent arrière-grands-parents le 25 mai 1995 avec Justine, la fille de Sylvie et son mari Jean-Luc, puis avec Anthony, le fils de Marc et sa compagne Nathalie, le 13 septembre 1996. Et Louis, le second de Sylvie, naît le 10 juin 1998.
Jean-Marie est toujours dehors à jardiner ou bricoler, à faire enrager les gosses.
Il adore caresser son chien Igor sur ses genoux
et aller le promener à l'entour de son quatrier de Sens.
Par contre, il aime regarder la télé jusqu'à tard, mais pas les films d'action
" c'est du ricain, c'est de la merde ".
Il préfère " les chiffres et les lettres " et " questions pour un champion
", " Ushuaia " et " Thalassa " et ne rate pas les informations de 13 h et
de 20 h. Un match de temps en temps.
Il épluche son journal chaque jour et se plait à faire des commentaires.
Jean-Marie a un petit bout de terrain sur lequel il cultive des fruits et des légumes. Il fait pousser des pommes de terre, des fraises... " les p'tiots vont s'y régaler "
Il va à la pêche en saône.
Il ramasse des sauterelles en retrouvant un de ses coins gardés bien secrets
et il pêche des chevennes et des brochets.
Il va faire son tour quotidien au marché.
Il connaît tout le monde et tout le monde le connaît. Il taquine les dames.
Mémé ne va plus avec lui, c'est trop long !
Il y a toujours un gendarme, un pompier à
la retraite ou en exercice, un collègue qui passe boire le café en début d'après-midi
à la maison de Jean-Marie. Réputation oblige.
On aime sa compagnie, son humour et ses railleries.
Il est de toutes les fêtes de la commune ou du canton. Il lève le verre modérément, mais laisse piquer la fourchette.
A table, il aime grignoter dans les plats à peine posés et dans l'assiette du voisin.
Il fume la pipe longtemps et se met à rouler et fumer son tabac quand il commence à avoir des problèmes dentaires. Il fait des trous à toutes ses chemises et ses pantalons : la Jeanne n'a jamais fini de se mettre en colère !
Ils accueillent aux vacances tous leurs gamins,
les grands comme les petits.
Mémé fait des bons petits plats : ses fameuses croquettes de
pomme de terre !
Pépé adore se mêler aux conversations, faire des blagues, cacher
des objets personnels... il amuse tout son public.
Mémé, Jeanne, a de quoi s'occuper,
la cuisine, les arrières petits-enfants, ceux d'ici et les vacanciers
... et le Jean-Marie !
Elle a aussi ses chats, plusieurs douzaines ! ils sont malades et co-sanguinés.
Pierrot en élimine souvent !
Pépé et elle ont en commun l'amour des animaux. Ils en passent
du temps et des sous à les nourrir... même les oiseaux du ciel
ont droit à leurs graines, en hiver !
Elle doit faire face au caractère du
pépé Jean-Marie qui n'est pas facile et elle est fatiguée.
Elle est opérée du coeur le xx xxxxxxxxxxxxxx 19xx.
Pépé n'a aucun problème de santé
jusqu'à ses 82 ans, mais tout à coup, c'est l'avalanche : une cirrhose...
la circulation sanguine…
Jean-Marie, qui n'est pas facile à soigner, envoie valser la Jeanne, fatiguée
de sa récente intervention chirurgicale et désormais astreinte de traitements
médicaux.
En hiver 2002, ils ont tous deux une gastro
qui n'en finit pas et les affaibli considérablement.
Ils ont bien changé, surtout pépé qui ne bouge presque
plus de son fauteuil.
Mardi 25 février 2003, ça fait un bout de
temps que le Jean-Marie va pas fort, la mémé s'en occupe comme elle peut,
elle n'a plus de force et a mal aux épaules : " c'est qu'il faut le soulever,
le bougre ".
Chantal qui s'occupe déjà, à la maison, de son époux, Pierrot, en convalescence,
vient quasiment tous les jours, en sortant du travail et durant ses repos.
Des soins à domicile lui sont prodigués deux fois par semaine. Mais ce n'est
pas suffisant, Jeanne doit le faire hospitaliser, elle ne peut plus le soulever
et il se vide de son sang, il crache des morceaux de son foie.
Il est transporté à la clinique de St Remy,
il ne veut pas aller à l'hôpital de Chalon.
Ses filles et sa femme sont auprès de lui, il est dans le coma, Sébastien
(venu du Sud le jeudi, ainsi que sa mère) et Franck - les cousins inséparables
- ses petits-fils, sont choqués de voir leur pépé dans cet état. Sylvie, sa
petite-fille, aussi.
Le vieil homme, usé et amaigri, cherche sa respiration, c'est impressionnant,
il est fiévreux, il commence à souffrir.
Vendredi 28 à 12 h, il cesse de respirer. Marc, l'aîné de ses petits-enfants, Nathalie sa compagne et Céline, celle de son frère cadet, montent en Bourgogne.
La maison du pépé est pleine... mais il y a un vide que chacun se surprend à ressentir immanquablement à tout moment, aux repas surtout.
Tous ensemble, samedi après-midi, vont saluer Jean-Marie à l'athanée. Tous les jeunes pleurent leur pépé de sang ou d'adoption. Pépé Taquin. Chacun y va d'un souvenir, d'une anecdote, il n'en manque pas.
Dimanche matin, Audrey, la compagne de Franck, le plus jeune de ses petits-enfants (fils de sa cadette) met au monde le quatrième arrière-petit-enfant du pépé Jean-Marie et de la mémé Jeanne. C'est Nathan. Il se porte bien et les parents aussi. Ce " ch'ti " ne connaîtra jamais ce fameux pépé mais en entendra beaucoup parler, c'est sûr !
Mardi 4 mars 2003, à 14 h, la famille est réunie à St Rémy pour la mise en bière, la sœur aînée de Jean-Marie, Marie-Louise, est venue de Paris avec son fils Rémy. Elle est bouleversée.
Une heure plus tard, le parvis de l'église
de Sennecey est comblé d'amis du pépé.
Son corbillard est attendu par une haie d'honneur des pompiers en uniforme
de cérémonie jusqu'aux escaliers. Les anciens combattants sont également au
garde à vous.
Le drapeau du pépé est porté par un autre porte drapeau officiel.
Un gradé déplie un drapeau tricolore sur le cercueil du soldat combattant
et déporté : Jean-Marie.
Six pompiers portent son cercueil jusqu'à l'autel. Ils traversent l'église au pas. Un silence émouvant règne et tous les regards fixent le cercueil ainsi honoré. Les pompiers sont assis à sa droite, avec les anciens combattants et huit gendarmes en uniforme, dont le colonel. La famille est à gauche.
La cérémonie religieuse se déroule dans la
tristesse et le respect, il est fait lecture de la vie de Jean-Marie et il
est particulièrement fait état de sa notoriété, de sa bonne humeur, de son
côté bon samaritain et de ses exploits de soldat, de déporté, de pompier et
de porte-drapeau volontaire et bénévole. Un hommage juste et mérité.
Céline porte le prénom sur l'autel, Sylvie pose 6 bougies allumées sur le
haut de son cercueil et Marc lit une lettre
émouvante et réaliste écrite par le papa d'Audrey, à la demande et au nom
de la famille proche. Dans cet éloge, il est de nouveau souligné la personnalité,
le tempérament du pépé et fait part du dommageable coup du sort de n'avoir
pas pu se faire rencontrer le vieillard et le nouveau-né. Une mauvaise farce
du destin.
Les pompiers signent le cercueil d'une branche
de guis béni, puis les anciens combattants, les gendarmes et les amis. La
famille à son tour, l'église vide, rend un dernier hommage. Jean-Marie, béni,
est de nouveau porté par les pompiers, les yeux rougis, et rejoint le parvis
jusqu'à sa voiture, entre les larmes et les embrassades de tous ceux qui l'aimaient
et qui sont réunis.
Ici pas d'anonymes, tous le connaissaient.
Ici pas de personnes endimanchées pour la circonstance par simple politesse,
respect, tradition ou curiosité, tous sont sincères et tristes.
Jean-Marie, c'est plus qu'une figure locale, c'est plus qu'un sacré farceur,
c'est plus qu'un homme courageux et volontaire. C'est l'ami de toute une bourgade,
des jeunes comme des vieux.
C'est la famille, ce sont les proches, les compagnons d'armes, les corporations
volontaires et engagées, et les habitants de Sennecey-le-Grand, toutes générations
confondues, qui sont en deuil.
Il aurait été content de voir tout ce monde, toutes ces fleurs et fier des hommages qui lui ont été rendus par les pompiers, les anciens combattants, les gendarmes...
Salut Pépé, salut Jean-Marie, repose en paix.