L'enquète, la justice... l'absurde jusqu'au procès mascarade:
Marc Dutroux, Michelle Martin, Michel Lelièvre,
Michel Nihoul.
Quatre accusés pour quatre jeunes victimes, Julie, Mélissa, An et Eefje, mortes
sous la torture, la faim, la soif, la drogue.
Huit ans après la découverte de leurs corps, et celle, miraculeuse, de deux survivantes, Sabine et Lætitia, leur procès s'ouvre le 1er mars en Belgique. Il devrait durer de deux à plusieurs mois, à Arlon, petite ville à la frontière luxembourgeoise.
L'affaire Dutroux débute officiellement le
13 août 1996.
Depuis un an, la Belgique est en plein drame national.
Aux quatre coins du pays, les disparitions d'enfants se succèdent.
Julie et Mélissa, âgées de 8 ans, kidnappées près de Liège, au nord du royaume,
en juin 1995.
An et Eefje, 17 et 19 ans, enlevées à Ostende, à l'ouest, en août 1995.
Sabine, 12 ans, évaporée sur le chemin de l'école aux environs de Tournai,
en mai 1996...
Le 9 août 1996, Lætitia Delhez, petite fille sage de 14 ans, a disparu de
la région de Charleroi.
Depuis un an déjà, les gendarmes ont un suspect
: Marc Dutroux, un ferrailleur du «Pays noir», comme on appelle cette ancienne
région de charbon.
Dutroux a déjà été condamné pour enlèvement, séquestration et viol de mineures,
avec sa femme Michelle Martin, 36 ans, institutrice, et mère de ses trois
enfants.
Condamné à treize ans de prison, il en est sorti quatre ans plus tard, en
1992, en raison de sa «conduite exemplaire».
Les gendarmes, qui connaissent ce CV, cherchent le couple. Et le trouvent
facilement. Les Dutroux, sont chez eux, avec Michel Lelièvre, 25 ans, toxicomane
connu.
Le camion aperçu le jour de la disparition de Lætitia est garé devant le pavillon.
Les trois sont embarqués chez le juge Connerotte à Neufchâteau, district de Charleroi.
Sabine et Lætitia retrouvées :
Le 15 août, Lelièvre est en manque. Il craque. Lætitia, c'est eux. Sabine aussi.
Le ferrailleur passe aux aveux à son tour.
«Je vais vous donner deux filles», dit Dutroux aux gendarmes. Il les conduit
dans sa bicoque à Marcinelle. Il descend à la cave, actionne un système de
roulement, et pousse un lourd pan de mur dissimulé par une étagère.
Les deux jeunes filles sont là. Nues, serrées l'une contre l'autre dans un
cachot sans air ni lumière.
Sabine y a passé plusieurs mois, Lætitia quelques jours.
Elles n'en sortaient que pour être violées par Dutroux et Lelièvre.
Terrorisées, elles n'osent bouger. «Vous pouvez sortir», autorise Dutroux.
Elles s'exécutent, et lui font la bise en sortant. «Comme n'importe quel souteneur,
il pratiquait le viol, la terreur, droguait et affamait ses victimes. Tout
en se faisant passer pour leur protecteur. Les "méchants" étaient toujours
les autres, sur le point d'arriver», explique Georges-Henri Beauthier, avocat
de Lætitia.
Cinq corps enterrés :
Deux jours plus tard, Dutroux révèle avoir aussi enlevé Julie et Mélissa, An et Eefje. Elles ont subi le même sort et en sont mortes. Julie et Mélissa sont enterrées dans le jardin d'une autre maison qu'il possède dans la région. An et Eefje dans la maison d'un comparse, Bernard Weinstein.
Les gendarmes retrouveront les quatre corps, ficelés dans des sacs-poubelle. Ainsi que celui de Weinstein, le complice des enlèvements.
Marc Dutroux, sans émotion, confiera qu'il a assommé son copain de somnifères. Puis l'a enterré vivant dans son jardin. Ils avaient eu un différend. «Il n'a aucun état d'âme», dit Xavier Magnée, son avocat.
Julie et Mélissa sont mortes de faim, abandonnées
pendant plusieurs semaines dans le cachot de deux mètres carrés.
An et Eefje, dont les corps pesaient à peine 30 kilos, ont probablement été
enterrées vivantes, comme Weinstein. Dans la gorge de l'une, les médecins
légistes ont retrouvé un emballage de somnifère.
En quatre jours, la Belgique entière est traumatisée par «l'ogre» Dutroux.
Le 22 août, l'enterrement de Julie et Mélissa
prend la dimension de funérailles nationales.
La foule est en blanc, comme aux obsèques du roi Baudoin, trois ans plus tôt.
Les politiques, dépassés, y assistent en retrait. «Ce phénomène, cette horreur révélée, a traduit le profond désarroi des Belges par rapport à l'identité de leur pays», explique Jean-François Bazin, réalisateur pour la RTBF.
Michel Nihoul, 55 ans à l'époque, est arrêté
peu après. Cet homme d'affaires bruxellois, amateur de partouzes et de coups
tordus, se présente comme «expert immobilier».
Dans les jours qui ont précédé l'enlèvement de Lætitia, il a échangé des dizaines
de coups de téléphone avec Dutroux, au sujet, dit-il, de sa vieille Saab,
qu'il lui avait donnée à réparer des semaines plus tôt. A la même époque,
il aurait aussi donné plus d'un millier de pilules d'ecstasy à Lelièvre.
Il comparaît libre aux assises. La salle minuscule du tribunal d'Arlon sera
encombrée par l'énorme dossier judiciaire : 450 000 feuillets (45 m linéaires
de boîtes d'archives) n'ont pourtant pas suffi à éclaircir l'affaire Dutroux.
Innombrables inculpations :
L'opinion, les avocats et les journalistes
belges restent divisés entre «croyants» et «non-croyants». Quelques-uns sont
convaincus de l'existence d'un vaste réseau de pédophiles enchevêtrant grands
notables et petits truands, alimenté par Dutroux et ses complices.
Les autres, majoritaires aujourd'hui, défendent la thèse d'un pervers solitaire,
régnant sur sa femme Michelle Martin, asservissant le toxicomane Lelièvre,
et vaguement lié par des affaires louches au truand bruxellois Nihoul.
«Une guerre de religions», commente Georges-Henri Beauthier, avocat de partie civile, persuadé que la vérité est à mi-chemin, autour d'une «petite entreprise polycriminelle» dont la totalité des membres n'a pas été démasquée.
L'acte d'accusation, 74 pages, a retenu d'innombrables
inculpations (assassinats, viols, enlèvements, séquestrations, trafic de drogue...).
Il épingle Michel Nihoul, homme d'affaires au bras long, la seule passerelle
possible avec un hypothétique réseau. Jusque-là, il a eu l'art de ne rien
dire.
Les avocats des parties civiles plaideront
l'acte isolé de Dutroux, en l'absence de la plupart des parents des victimes,
écoeurés depuis huit ans par les errements des enquêteurs.
Xavier Magnée, l'avocat de Dutroux, plaidera, lui, l'existence d'un réseau
organisé devant la cour d'assises d'Arlon, bien que son client n'en ait jamais
soufflé mot.
Il compte sur la participation de Nihoul.
Procès ?
Dutroux, prédateur isolé qui
enlevait, violait, torturait et, dans certains cas, tuait ses victimes pour
son plaisir, ou fait-il partie d'un réseau de pédophilie dont
il ne constituait qu'un rouage ?
Son procès se concentrerasur cette question qui déchire la société
belge et risque de rester sans réponse au terme des audiances.
Les parents des victimes n'attendent plus rien de la justice. Campant sur leur opinion quant aux diverses et nombreuses malversations lors des enquètes, ils seront absent de ce "procès-mascarade"
Sortant d'un silence de 7 ans, Sabine Dardenne, âgée de 12 ans au moment de l'enlèvement, a confirmé qu'elle viendrait témoigner de ce qu'elle a vécu pendant 79 jours, regarder Dutroux dans les yeux et lui montrer "que je ne suis pas devenue folle, malgré ce qu'il m'a fait subir". Mais elle entend aussi jouer aussi une autre carte qui pourrait brouiller le jeu dans un pays encore traumatisé : celle des réseaux de pédophilie pour lesquels Dutroux aurait travaillé.
De nombreux cheveux retrouvés dans la cache où ont été enfermés les enfants et dans les véhicules de Dutroux, ainsi que les tâches de sang et de sperme d'un inconnu.
Pour la plupart des belges, sont persuadés
de la thèse d'un réseau : un "prédateur isolé"
ne garde pas pendant 9 mois des fillettes de 8 ans avec les risques que cela
comporte, puisqu'il est soupçonné.
Dans un premier temps, la justice leur a donné tort et a écarté
les témoignages jugés affabulateurs de multiples "témoins
X", dont celui de Régina Louf, qui affirme avoir été
victime et témoin de viols parfois suivis de meurtres dans lesquels
étaitent impliqués Dutroux et des "personnalités"
Après avoir hésité, les autorités judiciaires
belges ont accordé un certain crédit à la thèse
du réseau en renvoyant devant les assises non seulement Dutroux, sa
femme et son complice mais aussi Michel Nihoul, ...
Des fillettes
sont mortes dans d'atroces souffrances physiques et psychologiques... elles
ont, durant des semaines, connu l'humiliation, la peur, le mensonge, l'abandon,
le froid, la faim, la soif, la douleur...
puis la mort... et ne reposent toujours pas en paix, leurs bourreaux sont
protégés et ne seront sans doute jamais dénoncés
et punis... un deuil insurmontable
quand la politique, le pouvoir et l'argent se mêlent à la justice,
la loi et l'honneur se perdent pour
laver les assassins, chacun à leur niveau, Dutroux comme tous les autres
pervers, lâches ou corrompus
Des "ballets roses" de la "haute" au trafic pédosexuel... Dutroux prédateur isolé ou réseau pédophile ?
Fin 2000, le procureur BOURLET, mécontent du manque flagrant de curiosité du juge d’instruction LANGLOIS, avait déposé une requête devant la Chambre des mises en accusation. Il demandait à cette juridiction d’ordonner des devoirs d’enquête auxquels Monsieur LANGLOIS se refusait. Parmi ceux-ci, il y avait l’analyse de tous les cheveux saisis dans la cache où avaient vécu Sabine et Laetitia, ce qui pourrait déterminer quelles autres fillettes avaient habité la cache. Pourquoi Monsieur LANGLOIS ne voulait-il pas les faire expertiser ? Pour bien des raisons... un peu tirées par les cheveux. Aussi Monsieur BOURLET saisit-il la juridiction compétente pour contrôler le travail de Monsieur LANGLOIS et décider des choses à sa place.
Le 22 février, Monsieur BOURLET plaida à l’audience de la Chambre des mises, et ne demanda pas seulement que ces cheveux soient analysés. Il y évoqua encore trente et une autres pistes, notamment de celles que CONNEROTTE et lui avaient soulevées en septembre-octobre 96, mais que LANGLOIS, succédant à CONNEROTTE, n’avait pas jugées à propos d’approfondir durant les quatre années de sa charge.
Les magistrats de la Chambre des mises écoutèrent poliment Monsieur BOURLET, reçurent son mémoire méticuleusement argumenté, et puis, il fallut attendre. Durant le printemps et l’été 2001, ils convoquèrent LANGLOIS cinq fois. Ils ne convoquèrent plus BOURLET. Enfin, le 22 octobre 2001, la Chambre des mises rendit son arrêt.
La procureure générale Anne Thily l’annonça
comme « une solution qui donnerait satisfaction à tout le monde ».
!...
La Cour « constate que le déroulement de l’instruction ne révèle pas, en l’état
actuel de la cause et en fonction de sa complexité, de retard anormal. »
La Cour « constate que le juge d’instruction a répondu de manière adéquate aux observations du Procureur général. » Mais, secret de l’instruction oblige, on ne sait pas quelles ont été ces observations ni ce que la Chambre des mises y a répondu.
Par ailleurs, la cour se préoccupe beaucoup de la longueur de l’enquête. En vertu des droits de l’être humain, tous les inculpés doivent être jugés dans un délai raisonnable. N’est-on pas en train de le dépasser ? Si bien sûr, le « délai raisonnable est sur le point d’expirer » estime Madame THILY. Aussi, on fixe au procureur BOURLET un délai : pour le trente et un janvier 2001 au plus tard, il devra avoir décidé qui des inculpés (DUTROUX, MARTIN, LELIEVRE, NIHOUL, PINON, DIAKOSTAVRINOS, ZICOT...) sera envoyé au procès d’assises et pour quels faits. Beau casse-tête pour Monsieur BOURLET, étant donné qu’en quatre ans d’enquête, le juge LANGLOIS, très économe de ses pouvoirs, a refusé d’autoriser quantité de perquisitions et de recherches et n’est parvenu à rien éclaircir de la manière dont Julie et Mélissa, An et Eefje ont été enlevées, violées, tuées : ni quand, ni par qui.
Dans l’état actuel de l’enquête, tous les suspects risquent donc d’être acquittés au bénéfice du doute si BOURLET les accuse du meurtre des quatre fillettes. DUTROUX, NIHOUL et LELIEVRE pourront être condamnés pour l’enlèvement et la séquestration de Sabine et Laetitia, et c’est tout.
Voilà qui rappelle, mutatis mutandis, qu’AL CAPONE ne fut jamais mis à l’ombre que pour fraude fiscale.
Il faut donc vite replonger dans « les dossiers X » en vue de faire savoir au lecteur d’AL le décalage qui existera certainement entre les débats en cour d’assises et le début prometteur de l’enquête, lorsqu’elle se déroulait sous la houlette de Messieurs CONEROTTE et BOURLET, ainsi que d’une équipe de gendarmes et de policiers dont les changements ultérieurs de composition ont aussi jalonné l’enlisement de l’enquête.
Monsieur BOURLET annonce à la radio qu’il irait jusqu’au bout, « si on me laisse faire ». Branle-bas de combat chez les journalistes : il y aurait donc un risque qu’on ne le laisse pas faire! Eh bien, en quatre ans, on a bien laissé faire Monsieur BOURLET, mais on n’a laissé faire personne autour de lui, ce qui est revenu au même que de ne pas le laisser faire.
C’est alors que le prédateur isolé se fait recaler…
En pleine histoire DUTROUX, NIHOUL et autres X éclate une petite affaire.
Début janvier, le sénateur VLD DEDECKER obtint du Ministre de la justice Marc VERWILGHEN l’autorisation d’aller visiter DUTROUX dans sa prison. Il se rendit à la prison avec un accompagnateur qu’il fit passer pour son chauffeur. Polis, les policiers de garde laissèrent entrer les deux VIP sans contrôle d’identité ni même aucun passage par le portique détecteur de métaux. En réalité, ledit chauffeur n’était autre que le journaliste de la chaîne privée VTM, Dan VAN HEMELDONCK, muni d’un petit enregistreur.
L’interview de DUTROUX fit la une du journal de VTM le lundi 18 janvier, avant d’être diffusée in extenso dans l’émission Telefacts de VTM du 21 janvier. Pas moins d’un million de Flamands assistèrent à cette émission.
Peut-être que Monsieur DEDECKER se souvenait de la présidence brillante et engagée de Monsieur VERWILGHEN, quand il n’était pas encore ministre, à la commission parlementaire qui confirma l’existence des faits d’étouffement de l’enquête et établit certaines responsabilités. Monsieur DEDECKER crut que Monsieur VERWILGHEN lui pardonnerait sa manœuvre. Bien au contraire, il se fit littéralement engueuler par le Ministre de la justice en plein parlement, blâmer par son parti, et il paraît que les représailles ne sont pas terminées.
Parallèlement à ces débats parlementaire, a lieu sur la partie droite du site d’Indymedia toute une campagne de dénigrement aussi stupide que véhémente à l’égard de la chaîne VTM, au motif qu’elle a réalisé là une opération juteuse et bassement commerciale au mépris de sacro-saintes règles de déontologie journalistique. Dans De Morgen, Douglas DE CONINCK, journaliste au Morgen et co-auteur de l’ouvrage « les dossiers X », reprend pour VTM. Au fond dit-il, quels que soient les motivations de ceux qui ont réalisé ce scoop, il a le mérite de remettre l’affaire DUTROUX à l’ordre du jour. Oui mais, lui répond-on, rien ne justifie tant de liberté prise avec la déontologie de la profession. On ajoute aussi, sans rire, que la supercherie de VAN HEMELDONCK anéantit des années de collaboration amicale entre les journalistes et l’appareil judiciaire. Et tout cela pourquoi, dit-on : cette interview est vide d’informations nouvelles et DUTROUX ne fait que s’y lamenter !
Voire. Souvenez-vous d’une des dernières apparitions de DUTROUX avant cette interview. C’était il y a plusieurs années. Il était entouré de flics et malgré la distance à laquelle les journalistes étaient tenus, on l’entendaient crier à leur intention : « Je veux parler ! Je veux parler ! » Eh bien en ce mois de janvier, toujours aussi fâché sur ses anciennes relations d’affaires, il promet qu’un jour il en dira davantage sur les ramifications et la clientèle de son réseau.
Il n’en dit guère plus. Ce n’est pas bien fracassant. Pourtant, précisément à ce moment, on apprend, notamment via la revue française Marianne, que ce n’est plus du tout une priorité de l’envoyer en cour d’assises le plus vite possible avec ses comparses. Bien au contraire, on annonce alors que le procès d’assises n’aura pas lieu avant 2003. Exit le souci de respecter le « délai raisonnable »...
Et pourquoi donc, si ce n’est parce que DUTROUX ne connaît pas encore bien sa leçon de prédateur isolé ? Dire que ce report laisse du bois de rallonge au procureur BOURLET, ce serait faire preuve d’un optimisme exagéré, vu que la procureure générale THILY et la Chambre des mises en accusation épousent les vues de Monsieur LANGLOIS, et qu’au-dessus de la Chambre des mises, il n’y a que Dieu, qui n’a pas décidé d’être plus actif que les autres dans cette ténébreuse affaire.
Aperçus du dossier Dutroux :
Depuis 1997, l’enquête DUTROUX-NIHOUL n’a plus progressé. Des tas de pistes menant aux réseaux de pornographie infantile ont été oubliées. NIHOUL est en voie d’être blanchi de son implication dans le trafic d’enfants enlevés par DUTROUX. Resteront accusés : DUTROUX, sa compagne MARTIN et son homme de main LELIEVRE.
Devant les assises, DUTROUX dira sans doute qu’il a enlevé Sabine et Laetitia pour avoir de la compagnie, qu’il a fait de même pour Julie et Mélissa, qu’elles sont mortes parce qu’il a été en prison entre-temps pour une affaire de vol de voitures, et qu’il ne connaît pas An et Eefje. Il est un tordu isolé comme tant d’autres.
LELIEVRE et MARTIN vont accorder leurs violons tant bien que mal à ce noyau dur du crime qui est le seul que l’enquête de cinq ans a réussi à mettre au jour. Et pourtant...
Y aura-t-il quelqu’un aux assises pour rappeler de ce que LELIEVRE, au début, a dit aux enquêteurs ? Il a dit que DUTROUX avait bel et bien eu besoin de lui ou de WEINSTEIN pour enlever des fillettes, qu’An et Eefje avaient été « une commande », qu’il parlait à tous ses amis de commandes et de livraisons, de centaines de milliers de francs gagnés vite et bien. Et puis, dès octobre, LELIEVRE a été menacé et s’est tu...
Des enfants ont continué et continueront à disparaître, ou à souffrir de troubles mystérieux qui les absentent de l’école et qui alertent de temps en temps un centre PMS ou un prof, sans suite. Des types continueront à filmer et à vendre la pornographie infantile, à subjuguer les enfants selon les mêmes méthodes que celles utilisées pour les jeunes femmes étrangères. Il y aura toujours les acheteurs de cassettes, ce marché plus lucratif encore que celui de la drogue, et de discrets clubs privés dans le même style que les Atrébates, où se rencontrent les porteurs d’une pulsion rigoureusement répartie parmi toutes les classes sociales.
En enlevant Julie et Mélissa, An et Eefje, Sabine et Laetitia, la petite organisation de DUTROUX inaugurait toutefois une stratégie différente de celles des réseaux existants jusque là, et c’était une stratégie risquée, peut-être mal vue des autres réseaux. Au lieu d’obtenir les enfants par la séduction d’adolescentes en rupture de famille, ou en s’assurant de la complicité d’une famille, Dutroux et ses complices enlevèrent des fillettes sans s’enquérir de l’identité, du curriculum vitae ni des capacités de réaction de leurs parents. C’est ainsi que la nébuleuse pédosexuelle belge eut bientôt à ses trousses des parents de victimes qui étaient totalement étrangers à ses pratiques, qui les découvrirent avec horreur et qui les firent connaître à la grande foule de gens du même mode de vie qu’eux.
Brève effervescence :
D’août à octobre, l’enquête partit dans tous les sens. Le 19 septembre 96, X1 était entrée en jeu, contre son gré; elle s’était lancée dans le récit aux enquêteurs de sa vie étrange. Elle avait reconnu NIHOUL comme un des plus dangereux abuseurs dans le réseau où elle avait tourné.
Via Regina LOUF comme via l’enquête sur DUTROUX, NIHOUL et leur entourage, il y avait de plus en plus de personnes impliquées dans cette criminalité, et des réouvertures de dossiers restés non élucidés. Mais du même coup, on découvrait avec un malaise croissant que, parmi les clients de ces réseaux de sadisme pédophile, les participants à ses guindailles, les amis et relations de ses proxénètes, on avait des personnes très haut placées. Cela signifie un ministre par ci, un maire par là, un magistrat ou l’autre, quelques hauts responsables de la police ou de la gendarmerie, un zeste de noblesse, et même plus qu’un zeste dans les années 50, d’après la femme témoin plus âgée X3, qui a eu une enfance assez semblable à celle de Regina LOUF ...
Le même genre d’affaire avait déjà été ébruité durant les années 80 ; on avait parlé à l’époque de « ballets roses », pour désigner des soirées sexuelles avec des enfants de huit à quinze ans. Les locaux du journal « Pour » furent sournoisement mis à feu dans le cadre d’une entreprise d’étouffement.
Les grandes manœuvres d’étouffement :
Quant à l’étouffement de l’affaire DUTROUX, il a commencé le 16 octobre 1996, jour du dessaisissement du juge CONNEROTTE par l’arrêt « spaghetti » de la cour de cassation. Cet arrêt a engendré la marche blanche du 20 octobre. Si le juge CONNEROTTE a été dessaisi pour avoir participé à une soirée organisée par les parents des victimes pour financer leur procès, par contre on n’a pas écarté de l’enquête de Neuchateau le commissaire de la PJ de Bruxelles, MARNETTE, pour avoir été un bon client du club privé les Atrébates. Au moment où CONNEROTTE a été dessaisi, MARNETTE venait d’arriver volontairement à Neuchateau en tant que grand spécialiste des affaires de mœurs, et pour cause. Les Atrébates sont un club privé à partouzes cité par Regina LOUF comme un des lieux de ses prestations d’enfant prostituée, et fut effectivement fermé quelques années avant l’affaire DUTROUX, pour avoir impliqué des mineurs. Il faut dire qu’à l’entrée des soirées fines, le sorteur ne demande pas les cartes d’identités pour connaître les âges : cela ferait mauvais genre. Ainsi, Monsieur MARNETTE aimait se dévergonder après journée, tandis que Monsieur CONNEROTTE préférait militer. Le moins qu’on puisse dire est que la suspicion était aussi légitime dans un cas que dans l’autre.
Or, la suspicion déjà légitime qui plane sur le commissaire MARNETTE sera confirmée par un procès-verbal faux, visant à déclencher anticipativement ce qui serait plus tard l’affaire des fouilles de Jumet ; puis, par une autre manœuvre de déstabilisation de l’enquête : l’affaire DI RUPO. (voir chapitre des fausses pistes.)
Le faux PV initial :
Dès la première semaine de son arrivée à NEUCHATEAU, le fin limier MARNETTE avait trouvé qu’une photo extraite d’une des vieilles cassettes pédoporno trouvées chez un certain pédophile RAEMAKERS, montrait un monsieur qui ressemblait vaguement à DUTROUX et qui était en train de violer une fillette inconnue. RAEMAKERS était en prison depuis belle lurette, ayant été condamné à la perpétuité pour avoir acheté et exploité au moins trois fillettes à des familles du quart-monde. Monsieur MARNETTE rédigea un PV initial demandant au juge CONEROTTE qu’on auditionne RAEMAKERS, car, disait-il, celui-ci devait avoir connu DUTROUX et pourrait en dire plus sur ses activités.
Par hasard, l’analyse de la photo échut à un autre groupe d’enquêteurs que celui dirigé par MARNETTE, qui établirent de suite qu’elle devait dater des années 70 et qu’à l’époque, DUTROUX était encore un gamin. L’erreur de MARNETTE ne pouvait pas avoir été de bonne foi. Aussi s’attira-t-il la suspicion du juge CONNEROTTE et du procureur BOURLET.
L’étouffement s’est poursuivi par mise en doute et une « relecture » des témoignages des X. Relecture au cours de laquelle les officiers de gendarmerie DUTERME et DERNICOURT, qui en étaient chargés, ont largement diffusé dans la presse des extraits des procès-verbaux d’audition de Regina LOUF-X1, qui étaient purement et simplement falsifiés. Suite à la circulation de ces documents falsifiés, toute la presse traita Regina LOUF de... louf. Dégoûtée, elle se retira dans sa ferme, après un cycle de conférences pour se justifier. A ce moment aussi, des copies plus conformes de ses procès-verbaux d’audition atterrirent dans les rédactions du Morgen et du Standard et donnèrent lieu à un bien utile ouvrage de référence rectificatif : « les dossiers X », précisément.
Enfin, les plus hauts magistrats du parquet ont décidé : « les vols de voitures, c’est au parquet et au juge d’instruction de Nivelles; les enlèvements d’enfants, c’est au parquet et au juge d’instruction de Neuchateau ». Le problème, c’est que les enfants ont été enlevées en voiture, et par des gens qui sont aussi en relation les uns avec les autres via le trafic des voitures. Il fallait y penser avant de trancher. Cela s’appelle « saucissonnage » et c’est une des cinq techniques « légales » d’étouffement d’une enquête judiciaire
Ce saucissonnage des dossiers a eu lieu au printemps 97 et a occasionné une manifestation de protestation de 25 000 personnes devant le palais de justice de Neuchateau.
Les grandes manœuvres de terrassement (et autres fausses pistes) :
Une autre manière de nuire à une enquête judiciaire consiste à l’orienter sur de fausses pistes.
C’est ainsi que, fin 96, du fond de sa cellule de condamné à perpétuité, notre RAEMAKERS, connu de Regina LOUF et appelé par elle « Monsieur Pédo », fit savoir aux enquêteurs que son camarade de cellule, l’obscur FOCANT, lui faisait de drôles de confidences.
Le juge d’instruction LANGLOIS, qui venait de remplacer CONNEROTTE dessaisi et avait besoin de grandes actions pour démentir les rumeurs d’étouffement de l’enquête, prêta de suite attention aux confidences de FOCANT telles que les rapportaient RAEMAKERS.
C’est ainsi que le plan de MARNETTE entra en action, avec seulement quelques semaines de retard et juste au lendemain du dessaisissement du juge CONNEROTTE.
Les enquêteurs obéirent à la demande de RAEMAKERS de ne pas s’adresser directement à FOCANT. En effet, FOCANT se confiait à son camarade « pédo », mais n’avait pas l’intention de redire ces choses aux enquêteurs. FOCANT dit à RAEMAKERS qu’il avait fait partie du groupe de DUTROUX, enlevé des enfants avec lui et que, si les enquêteurs fouillaient le charbonnage de Jumet près de Charleroi, ils trouveraient les corps de Ken MAST, d’Elisabeth BRICHET et de quelques autres enfants disparus.
Fouiller, c’est ce qu’on fit pendant des jours et des jours, en vain.
Selon les auteurs des « Dossiers X », qui sont allés trouver l’avocate de FOCANT, RAEMAKERS a purement et simplement attribué à FOCANT des confidences que ce dernier ne lui a jamais dites, et RAEMAKERS s’est probablement livré à ce jeu sous la séduction de quelques promesses de récompenses (DX p. 290).
Au moment d’arrêter les fouilles de Jumet, le juge d’instruction LANGLOIS, qui s’était donc laissé berner en autorisant ces fouilles gigantesques, fit à la presse un discours comme quoi il ne fallait négliger aucune piste et qu’il était normal que certaines initiatives n’aboutissent à rien. Mais la presse ajouta que toute cette enquête commençait à coûter cher à la collectivité et qu’il ne fallait pas trop écouter tous ces racontars plus ou moins délirants sur les réseaux pédosexuels.
Autre histoire de fausse piste. Le 21 octobre 96, au lendemain de la marche blanche, un certain Olivier TRUGSNACH, recherché pour avoir volé son employeur, rentra spontanément d’Angleterre en Belgique et se présenta à la gendarmerie avec des révélations sur « le rôle de personnes haut placées dans l’enquête des réseaux pédophiles ». Le commissaire MARNETTE, présenté ci-avant, désira aussitôt qu’il soit entendu. TRUGSNACH fréquente les partouzes afin d’y arrondir ses fins de mois, et il y aurait déjà, dit-il, rencontré Elio DI RUPO.
Lors de sa première audition, TRUGSNACH dit qu’au moment de cette rencontre, il avait dix-sept ans. Inutilisable : la majorité sexuelle est à seize ans. Alors il fut réauditionné et cette fois, il dit qu’il avait quinze ans. Aussitôt, le tout fut communiqué à la presse. Le Big Brother qui nous dirige sembla compter sur une nouvelle marche blanche pour réclamer dans un grand soulèvement révolutionnaire la levée de l’immunité du ministre DI RUPO. Mais entre temps, les parlementaires, en vue de prendre leur décision relative à l’immunité du ministre, découvrirent le dossier et furent assez scandalisés de la manière dont TRUGSNACH se rajeunissait d’une audition à l’autre. Dans cette affaire, le seul aspect consistant semblait la promesse faite à TRUGSNACH d’arranger son problème de vol s’il racontait certaines choses. DI RUPO fut protégé par ses pairs.
Il ne resta plus de là qu’une mauvaise impression parmi le public. L’administration accusait : « C’est normal que tout va mal dans ce pays puisqu’il y a des pédés au gouvernement! » D’autres, un peu plus fins, commençaient à en avoir marre qu’on aille farfouiller dans la vie privée de chacun, et trouvaient que la marche blanche n’était, au fond, qu’un dangereux sursaut de puritanisme vindicatif de la part des classes laborieuses et par trop moyennes.
Un cas friqué n’est jamais désespéré :
Il y a de petits commerçants dont la faillite ruine la vie ainsi que celle de leurs enfants. Par contre, Michel NIHOUL en a vécu une demi-douzaine et ne s’en est jamais porté plus mal. Sa devise : « tant qu’on a des relations... » Mais cela n’explique rien, « avoir des relations ». Quels échanges économiques circulent entre ces relations, là est la question.
Vers la quarantaine, après déjà une longue série de fondations de sociétés foireuses et de faillites, le Bruxellois NIHOUL est animateur de radio, entouré d’artistes en tout genre, et il organise des soirées, des concerts. Il parvient à se faire prêter par Claude BARZOTTI 550 000 francs que le chanteur ne reverra jamais. Il organise les campagnes électorales de Paul VANDENBOEYNANTS et de ceux de l’aile droite du PSC, le CEPIC. Avec ses amis les avocats DELEUZE et Annie BOUTY, il monte une officine juridique chargée de convaincre l’Office des Etrangers de délivrer des permis de séjour à des réfugiés nigérians, et les services du Ministère de la Justice de procéder à certaines libérations conditionnelles. Pendant que DELEUZE et BOUTY s’occupent des arguments juridiques, NIHOUL possède l’art d’avancer où il le faut des arguments financiers qui donnent un poids particulier aux premiers et une certaine clientèle aux avocats. Grâce à des types pleins de relations comme NIHOUL, un cas friqué n’est jamais désespéré. C’est pourquoi les Nigérians débarquent en Belgique avec le nom d’Annie BOUTY sur les lèvres et, dans leur pays, elle est considérée comme une Mama. Plus tard, BOUTY devient la maîtresse du docteur GUFFENS, directeur-général du Centre médical de l’Est, condamné en correctionnelle pour détournement des fonds de ce centre. NIHOUL le convainc qu’il y a moyen d’acheter son procès en appel, peut ainsi retirer 5 millions de ses comptes... et s’en sert pour ouvrir un café qui s’appelle le Clin d’Oeil, qu’il exploite avec Marleen DE COCKERE. GUFFENS, lui, voit sa condamnation alourdie en appel. Ne pas surestimer la longueur du bras de NIHOUL !
Jusqu’ici en tout cas, rien de relatif aux réseaux.
En 1991, DELAMOTTE, vieil ami de NIHOUL et co-fondateur de toutes les sociétés de NIHOUL qui tombaient en faillite les unes après les autres, fonde la société ASCO, « achat-service-commerce », qui démonte des voitures et exporte les pièces détachées vers l’Afrique et la République dominicaine. DELAMOTTE et NIHOUL ont aussi tous deux fréquenté les Atrébates, ce club fermé en 83.
La société ASCO est basée à Honnelles, près de Mons, près de la frontière française. De là, au lendemain de l’arrestation de DUTROUX et de NIHOUL en août 96, la police a envoyé à Neuchateau un vieux dossier de 1994, et les PV d’une enquête de voisinage réalisée après l’arrestation de DUTROUX en 1996.
Dans ces PV d’enquête, les gens du coin racontent qu’au siège d’ASCO, on voyait souvent NIHOUL, LELIEVRE, WEINSTEIN, MARTIN. Au café de la place, NIHOUL se faisait remarquer en payant avec des billets de 5000 F. Il était toujours entouré d’une flopée de jeunes femmes exotiques, qui logeaient dans les locaux d’ASCO et qui paraissaient en transit. ASCO semble avoir été ainsi un lien entre le milieu bruxellois de NIHOUL et l’entourage plus marginal ou quart-mondiste de DUTROUX.
En 94, peu avant la faillite d’ASCO, DELAMOTTE et NIHOUL se sont violemment disputés avec un voisin parce qu’ils creusaient un grand trou dans un bout de terrain qui lui appartenait, pour y enterrer quelques sacs poubelles. Finalement, ils ont creusé un autre trou sur la propriété d’ASCO et les ont enterrés là. La police de Honnelles a envoyé ce dossier à Neuchateau au cas où on voudrait savoir ce qui a été enterré là ; mais Neuchateau n’a jamais répondu. C’est pourquoi les PV de Honnelles ont atterri à la rédaction du Morgen et de là dans « les dossiers X ».
NIHOUL est-il un magouilleur presque sympathique, ou quelqu’un dont l’art de se relever de tous les plantages est sous-tendu par des rentrées financières autrement plus scabreuses ? L’état de l’enquête ne permettra pas de le savoir, mais ce qu’on sait, c’est qu’il n’y a pas eu de volonté d’enquêter.
Le sosie carolo de NIHOUL :
L’enquête de Neuchateau, avortée suite au dessaisissement du juge CONEROTTE, a par ailleurs impliqué un certain Lucien VIAL. Il s’agit d’un homme d’affaires qui a pignon sur rue à Charleroi dans le commerce des vins, et qui ressemble physiquement à NIHOUL.
Pendant que RAEMAKERS condamné à perpétuité croupit en prison, VIAL sévit en toute impunité à Charleroi. On l’a vu visiter des familles pauvres de Charleroi pour leur proposer de louer leurs enfants pour 50 000 F. Il fait des photos porno avec eux. A ses heures perdues, il enlève des adolescentes au vu et au su de tout le monde, les viole et les maltraite et les abandonne traumatisées quelques jours plus tard. Il est riche et s’achète des hommes de main qui l’aident dans ses enlèvements. Lorsque les parents de ses victimes ont osé porter plainte, l’instruction a capoté pour de bien mauvaises raisons, ou alors, par impossible, VIAL n’a été condamné qu’à des peines de prison ridicules et a été libéré presque tout de suite. Si bien que, quand il débarque dans un café ou une boîte, une crainte respectueuse l’entoure : il a le bras long. D’ailleurs, un jeune homme, Pascal MEUNIER, pour avoir pris la défense de deux adolescentes que le clan VIAL emmenait de force en plein dans un café, a été retrouvé mort une semaine plus tard. Il avait été menacé par un des complices de VIAL, tandis que ce dernier démarrait avec les filles et ses hommes dans sa voiture. Lorsqu’on retrouva l’inconscient justicier mort au coin d’un porche de la ville, son corps portait des traces de coups, mais le médecin légiste conclut obstinément à un décès par overdose.
Juste avant son dessaisissement, le juge CONNEROTTE faisait surveiller VIAL. On apprenait ainsi qu’il allait chercher des adolescentes en Roumanie et qu’il pouvait se procurer pour elles des attestations de tutelle à Walcourt, commune où il habite et où il a des relations dans la police et dans l’administration communale. Ainsi la poule aux oeufs d’or est, avec le commerce des vins, une source de sa richesse.
Le juge CONNEROTTE préparait une série de perquisitions à son domicile et dans son entreprise, ainsi que chez des hommes qui avaient enlevé des filles pour son compte en 1996. Le juge LANGLOIS, qui lui succéda, ne les autorisa pas.
VIAL est sans doute en France. « Il se pourrait que les nombreux témoignages de viols et de tentatives d’enlèvements d’enfants contre NIHOUL aient en fait tout bêtement trait à L. V." Dans ce cas, effectivement, NIHOUL aurait failli être victime d’une erreur judiciaire ! Le hic, c’est qu’à Neuchateau, après le départ du juge CONNEROTTE, en quatre ans on n’a pas davantage enquêté sur VIAL que sur la société ASCO fréquentée par NIHOUL.
Un club de plus âgés :
Regina LOUF affirme avoir connu de très près NIHOUL et BOUTY. Elle leur doit même la soirée la plus infernale de sa carrière.
BOUTY et NIHOUL, avec quelques autres, ont torturé et assassiné sous ses yeux Christine VAN HEES, en 84, à la champignonnière d’Auderghem. Regina avait une quinzaine d’années.
On a du mal à voir le magouilleur bruxellois bedonnant et l’avocate affairiste en tortionnaires sadiques, mais le problème pour qui veut tenir cette accusation pour fantaisiste, c’est que Regina LOUF décrit plusieurs détails de cette champignonnière et de ce meurtre, détails qui concordent avec ceux qui dorment dans le dossier de ce meurtre. Et comment aurait-elle pu avoir connaissance de ce dossier ?
Dans ce dossier, on trouve aussi que Christine VAN HEES, quelques semaines avant sa mort, avait confié à une amie qu’elle était membre d’un club secret de gens plus âgés, qu’ils lui faisaient peur, mais qu’ils la fascinaient aussi.
Sans savoir cela, Regina dit de Christine qu’elle ne comprenait rien au milieu dans lequel elle était tombée, qu’elle était là par « amour », éprouvant un besoin d’une relation avec des plus âgés et pensant vaguement tirer parti de ces modes de vie où l’argent et l’amour sont également faciles.
Regina Louf dit que BOUTY et NIHOUL étaient au meurtre de Christine VAN HEES. Comment pouvait-elle savoir qu’ils étaient effectivement amis et associés dans les années 80 ?
Selon Regina aussi, l’assassinat de Christine VAN HEES n’était pas la première nuit sadique qu’elle faisait avec eux, dans le rôle de victime et d’aide-tortionnaire qu’elle avait acquis au fil des années parmi les tordus friqués qui l’emmenaient à leurs rendez-vous dans des villas du Brabant.
Une complexité qui dépasse l’entendement :
Voici quelques aperçus de ce qui se trouve dans « les dossier X ».
Ce bouquin a été rédigé suite à la grande fuite désespérée des dossiers de Neuchateau vers les médias : le Morgen et le Standaard. Cette fuite avait pour but que la démocratie directe s’empare de l’enquête, à défaut pour le système judiciaire de la mener correctement.
Le bouquin « les dossiers X » doit à son caractère touffu de n’avoir pas besoin de censure. Les protecteurs du trafic pédosexuel, ou de l’honneur des institutions belges, ont dû se dire : « de toute façon, personne ne le lira! » Bien estimé. Il est pourtant écrit de la meilleure plume qu’on puisse trouver et reflète finement les psychologies et les milieux, en 552 pages au cours desquelles apparaissent, disparaissent et resurgissent 350 noms.
Les journalistes fourbissent déjà leur discours pour le procès d’assises. Ils diront en substance : « lors de la marche blanche du 20 octobre 96, la foule, égarée par les communications publiques imprudentes des parents des victimes eux-même égarés par la douleur, a cru que nul autre juge d’instruction que CONNEROTTE ne réussirait à mener l’enquête à bien. Or, son successeur LANGLOIS a travaillé avec plus d’impartialité et plus d’objectivité, si bien qu’une fois dissipées des fumées de fantasmes et des croyances, on s’aperçoit qu’il n’y a pas un bien grand feu dessous. Juste un prédateur isolé comme d’autres... »
L’oubli sera-t-il un jour assez généralisé pour qu’ils puissent asséner ce discours là et conclure ?
L'affaire Dutroux :
Les faits :
1989 :
- Février : Marc Dutroux est condamné à 13 ans de prison
pour les viols de 5 jeunes filles. Il est libéré en 1992 pour
bonne conduite
1995 :
- 24 juin : Julie et Melissa, 8 ans, sont enlevées
- 23 août : An, 17 ans, et son amie Eefje, 19 ans, sont enlevées
- 13 décembre : alors que Dutroux est détenu pour vol de voitures,
le policier René Michaux mène une perquisition au domicile de
Dutroux et entend des cris d'enfants. Il conclut que ces cris viennent de
l'extérieur, alors que Julie et Melissa sont enfermées dans
la cave
1996 :
- 26 mai : Sabine, 12 ans, est enlevée
- 9 août : Laetitia, 14 ans, est enlevée. Un témoin repère
une camionnette blanche immatriculée au nom de Dutroux.
- 13 août : Dutroux, sa femme Michelle MArtin et leur complice Michel
Lelièvre, sont arrêtés.
- 15 août : Sabine et Laetitia sont libérées de la cave
de la maison de Marc Dutroux.
17 août : des fouilles dans le jardin de Dutroux aboutissent à
la découverte des corps de julie et Melissa et de Bernard Weinstein,
un ami du pédophile
- 3 septembre : la police découvre les cadavres d'An et Eefje enterrés
sur un autre terrain appartenant à Dutroux
- 15 octobre : le juge d'instruction Jean-Marc Connerotte est dessaisi de
l'affaire Dutroux pour sa proximité avec les familles de victimes
- 18 octobre : le Parlement belge vote à l'unanimité la création
d'une commission d'enquète sur l'affaire Dutroux
- 20 octobre : une "Marche blanche" réunit 300 000 personnes
dans la capitale belge.
1997 :
- 15 avril : la commission d'enquète rend son rapport épinglant
des responsabilités personnelles mais aussi un dysfonctionnement de
la justice
- 6 mai : la commission d'enquète examine l'éventuelle protection
de Marc Dutroux par des personnalités importantes
- 23 novembre : des documents de l'affaire Dutroux sont volés de la
voiture d'un policier
1998 :
- 17 février : la commission d'enquète estime que Dutroux n'a
pas reçu de soutiens judiciaires et policiers, mais a pu bénéficier
des dysfonctionnements et de la corruption au sein des institutions
-18 février ; une réforme de la police est décidée
- 23 avril : Dutroux peut consulter son dossier au Palais de Justice et réussit
à s'enfuir en s'emparant de l'arme d'un des policiers qui l'escortent.
Il est arrêté 4 heures plus tard. Les ministres de la Justice
et de l'Intérieur démissionnent
- 28 avril : un vote de défiance contre le gouvernement échoue
1999 :
- 14 juillet : le procureur en charge de l'affaire, Hubert Massa, se suicide
2000 :
- 19 juin : Dutroux est condamné à 5 ans de prison pour son
évasion
2002 :
- 22 janvier ; dans une interview, Marc Dutroux nie les 4 assassinats et suggère
l'existence d'un réseau pédophile impliquant les plus hautes
personnalités du royaume, provoquant un nouveau scandale
L'opinion publique :
500.000 pages de dossier, affaire à
retentissement mondial, non seulement à cause de son horreur mais aussi
parce qu'elle a mis a nu une incurie des services de police qui a provoqué
la plus grande crise politique du siècle en Belgique.
Les belges sont indignés en apprenant que les autorités soupçonnaient
le pédophile bien avant la mort des petites filles. Les enquéteurs
avaient mené une perquisition dans sa maison en décembre 1995.
Ils ont entendu des voix, mais n'ont pas trouvé les cellules.
Facteur aggravant, pour l'opinion publique, Dutroux avait été
jugé pour l'enlèvement et le viol de 5 jeunes filles dans les
années 80.
La marche blanche de 300.000 personnes demande des comptes aux autorités après les "ratés" de l'enquète. La police belge est de nouveau mise sur la sellette lors de l'évasion "facile" du pédophile le plus médiatisé d'europe. Depuis, le début l'affaire est entourée de rumeurs sur l'existence d'un vaste réseau pédophile organisé en haut lieu, un trafic d'êtres humains.
Portrait d'un monstre :
Marc Dutroux, né en 1956 d'un couple d'instituteurs et aîné d'une famille de 5 enfants ne provient pas d'un milieu défavorisé même s'il arrête sa scolarité à 16 ans. Il a alors des relations homosexuelles consentantes avec des hommes plus âgés, pour de l'argent.
Prédacteur sexuel à l'appétit insatiable est capable de manipuler ses victimes. Sa mère affirme que tout petit déjà il se montrait manipulateur et menteur. Le portrait à partir de ses propres déclarations et de celles de ses complice, mais aussi des expertises psychiatriques effectuées à la demande de la justice est stupéfiant.
Marié à 18 ans à une femme dont il aura 2 enfants et qu'il battra copieusement, il multiplie les conquètes extra conjugales. C'est ainsi qu'en 1981, il rencontrera Michelle Martin, qu'il épousera en prison et dont il aura 3 enfants.
Elle se dit sous la coupe de son "dieu"
et battue par lui, participe parfois à ses expéditions sexuelles
dans les années 80. Elle se décrit comme un zombie conduisant
la camionnette familiale pendant que Dutroux viole à l'arrière
des filles, mineures ou majeures, qu'il a enlevées sur le bord du chemin.
Elle participa parfois activement aux viols, qui concernent également
des jeunes slovaques amenées par Dutroux en Belgique. Ils seront arrêtés
en 1986 pour ces faits.
A sa sortie de prison, il recommencera immédiatement ses activités
délictueuses, mais il s'est juré de ne plus se faire prendre.
C'est ainsi qu'il construit une cache aménagée dans une ancienne
citerne dans la cave d'une de ses maisons. La cache est fermée par
un système camouflé extrêmement ingénieux.
Il devra reconnaître les enlèvements
d'An, d'Eefje, de Sabine et de Laeticia parce que son complice Michel Lelièvre
et son épouse sont témoins à charge. Il nie ceux de Julie
et Melissa, qu'un autre complice lui aurait amenées.
Mais cet autre complice, Bernard Weinstein, ne peut plus parler : il a été
enterré vivant par Dutroux, qui l'a auparavant torturé en enserrant
ses testicules dans un serre-joint pour lui faire avouer où se trouve
son magot.
Les experts ont trouvé en Dutroux un homme qui n'éprouve aucun remords, qui se présente en victime de la société et n'appartient pas à la catégorie des pédophiles, seule la facilité à enlever les fillettes ayant joué.
Les corps de Melissa, de Julie et de Weinsteine, sont retrouvés dans le jardin de Dutroux. Les autopsies révéleront que les fillettes sont mortes de faim et de soif. leurs corps portent des symptômes de faits de moeurs répétés. Viols, sévices et tortures.
Dutroux jouait avec les nerfs et le mental des fillettes, il se faisait passer pour leur protecteur "contre les méchants" (les autres violeurs-tortionnaires). Il leur mentait, leur faisait croire que leurs parents ne les recherchaient pas. Qu'il était leur seul "ami" et qu'il était lui aussi victime. Lors de leur libération par la police, Sabine et Laeticia hésitaient à sortir de la cave, effrayées par ces inconnus. Elles demandent la permission du regard à leur boureau, elle n'ont confiance qu'en lui qui les a manipulées et ne sont plus maîtres de leur jugement.