On ne présente plus le Cours Saleya, cette esplanade piétonne qui s’étire de la base de
la colline du château jusqu’aux abords de l’Opéra de Nice, parallèle au quai des Ponchettes
qui prolonge jusqu’à Roba Capeu, la Promenade des Anglais.
Saleya est bordé de restaurants, marché aux fleurs et
aux légumes le matin et pourvoyeur de souvenirs pour touristes, d’antiquités et
de brocante à d’autres heures. Mais quelle est l’histoire de ce haut lieu des
activités niçoises dont il faut préciser qu’il est depuis longtemps un lieu de
rencontre aussi bien pour les Niçois que pour la colonie étrangère. Par exemple
on y trouvait dans la deuxième partie du XIXe siècle la célèbre librairie Visconti,
cabinet de lecture, centre intellectuel où se réunissaient artistes et littérateurs
de passage. Cet établissement, rendez-vous favoris des hivernants, comprenait
une bibliothèque, une salle d’exposition et une terrasse donnant sur le Cours,
lieu idéal pour observer le va et vient de la famille impériale russe, des familles
royales anglaises, belges, du roi de Bavière et autres princes et princesses.
L’origine du nom Saleya reste obscure, mais l’explication
qui semble prévaloir d’un point de vue historique, c’est qu’il y avait dans ce
secteur des réserves appartenant à l’abbaye de Saint-Pons, des celliers, et que
le moine chargé de ces celliers était le « cellerié » d’où sa demeure « cellaria
ou cellaya » qui aurait donné « saleya » par déformation. • 1249 : Création par
Charles d’Anjou d’un arsenal et d’un chantier naval (dont l’existence durera un
siècle). L'arsenal de Nice apparaît dans la documentation au cours du XIVe siècle.
Il ne s'agit alors que d'un établissement des plus modestes, dont l'exploitation
est concédée, en 1366, au Génois Pierre Grimaldi. • En 1518 en réponse
aux menaces de François I er, le duc de Savoie Charles
III fait doubler les remparts en édifiant, à l’emplacement actuel de la première
rangée de terrasse, une ligne de fortification. Le cours serait né dans l’espace
créé entre ces deux enceintes, parallèle à la Méditerranée. • En 1578 le duc de
Savoie Emmanuel Philibert assiste avec son fils le Prince du Piémont Charles Emmanuel
aux fêtes du Carnaval de Nice qui se déroulent sur le Cours. • En 1793 pendant la
révolution trois déserteurs français sont pendus dans les arbres du Cours, des
ormeaux plantés vers 1766. • En 1830, le roi Charles-Félix et la reine Marie-Christine assistent aux réjouissances.
À cette occasion, les pêcheurs niçois font, alors, sauter une grosse poupée de
chiffons remplie de son, dans un drap dont ils tiennent les autres coins, c'est
le « Paillassou ». Les masques se lancent des bonbons
en sucre candi (couliandri), des bouquets de fleurs,
des pois chiches, des haricots et même des oranges ou des coquilles d'œufs évidées
et remplies de suie ou de plâtre, une trentaine de voitures hippomobiles prennent
part au défilé sur le Cours. • Le 22 juillet 1861,
le maire de Nice, François Malaussena, crée par arrêté
municipal le premier marché aux fleurs et arbustes, fruits, légumes et herbages
sur la promenade du Cours. Déjà on y interdit le stationnement des charrettes
et voitures. • Les changements de
régime politique n’empêchent pas la fête, ainsi en 1865, « un véritable parterre
de rois et de princes » participent sur le cours Saleya, à d’énormes batailles festives, du haut de la terrasse
de la librairie Visconti. • La guerre de 1870
suspend les festivités qui reprennent gaillardement en 1873 • En 1875, l'apparition,
sur le corso niçois de la place de la Préfecture et du Cours Saleya, du fameux char de la Ratapignata
(chauve-souris) fit voler en éclats la routine de la fête carnavalesque. La Ratapignata, souris ailée, représentation inversée de l'Aigle,
symbole héraldique de Nice, permit d'affirmer l'existence d'une communauté niçoise,
entreprenante et subtile en opposition avec l’image parfois dévalorisante donnée
par certains rapports de fonctionnaires français qualifiant de « sous-développées
» les populations du pays niçois. • C’est toujours de
la terrasse de la fameuse librairie Visconti que la haute société étrangère assiste
aux corsi carnavalesques. Un autre agrément du Cours
était constitué par les Terrasses avec vue sur la mer avant qu’elles ne soient
interdites au public par mesure de sécurité. • En 1897 est fondé
sur le cours Saleya le premier marché aux fleurs du
monde. En ce lieu, dès 4 heures du matin se côtoient producteurs, grossistes et
intermédiaires divers, revendeurs... Dans les magasins d'expédition, les fleurs
sont précautionneusement disposées dans des paniers d'osier et expédiées dans
toute l'Europe. Le tsar Nicolas II qui, durant l'hiver 1904, veut reconstituer
une bataille de fleurs à Saint-Petersbourg, commande
deux wagons de plantes qui mettent seulement un jour et demi pour traverser l'Europe.
• Plus près de nous,
le marché installé devint si traditionnel qu’en niçois, on dit plutôt « anà au cours », « qu’anà au mercat ». • En 1950 le conseil
municipal décida la construction d’une halle en ciment armé et pour cela condamna
les magnifiques platanes qui protégeaient de leur ombre les activités maraîchères. • En 1965, le marché
aux fleurs en gros déménagea au Marché d’Intérêt National de Saint-Augustin et le cours Saleya
tout en restant un pôle de vente au détail perdit de son importance. • Pour relancer une
activité, la municipalité de Jacques Médecin décida de réhabiliter le secteur.
On détruisit la halle, creusa un parking, recouvrit le sol de basaltine et l’on replanta des petits tilleuls. • Par décision du 8
mars 1996 le Conseil municipal décida de donner aux portiques du cours Saleya les appellations suivantes d’est en ouest : pouòrtaReala, pouòrtaPescaria, pouòrta Marina, pouòrta Arsenal
et pouòrta Terrassa.
Saleya
est redevenu le lieu le plus fréquenté de la ville, les locaux et les étrangers
de passage s’y croisent et s’y rencontrent, en flânant parmi les étals colorés
ou en se restaurant dans les nombreux établissements qui bordent le Cours. Il
ne reste plus qu’à rouvrir les Terrasses à la promenade publique pour à nouveau
jouir du panorama qui enchanta nos ancêtres : la Méditerranée et ses sublimes
couchers de soleil sur le cap d’Antibes.