Le Toc d'Anthony : rituel du coucher

Anthony a depuis cet été développé un rituel du coucher (déjà mis en place modérément au retour des vacances de pâques 2003).
Il ne veut plus dormir dans sa chambre, mais avec Tatie.
Il a pris cette habitude de ne plus dormir seul, cet été, chez ses grands-parents paternels… il dort dans une chambre à deux lits, avec Papi..

Il devient de plus en plus capricieux, autoritaire et même violent avec Tatie (âgée de 80 ans). Elle a toujours cédé à tous ses caprices et aujourd'hui souhaite freiner quelques mauvaises habitudes. Mais c'est trop tard, il s'y refuse. Il l'entraîne chaque jour dans une nouvelle exigence à laquelle elle participe à contre-cœur lorsqu'elle est fatiguée ou avec joie quand elle se sent mieux (petit déjeuner au lit, jouer par terre, à cache-cache…).
Il dîne avec nous tous les soirs depuis le printemps dernier, Tatie lui offrait une nourriture trop riche et abondante… et le resservait à volonté.
Elle lui proposait des carrés de sucre dans la journée… lui préparait des tartines avec de grandes quantité de beurre et de confiture, il buvait du sirop à chaque verre, il mangeait plusieurs fromage et plusieurs desserts… "un enfant doit manger" "nous avons tant manqué pendant la guerre…" "il fait plaisir à voir" … et le fameux "il a bien mangé : il est bien sage !"

Maman ne peut plus lutter contre toutes ses oppositions.
Maman tente de maintenir un discours régulier et ferme tant sur l'éducation que sur l'alimentation, qui est anéanti à la moindre occasion, il capte la moindre défaillance, contradiction de l'entourage pour s'en servir à contrer mes refus, ordres et recommandations.

Papa l'a beaucoup gâté (des bricoles achetées à chaque sortie en magasin…) et a manqué d'autorité "il est petit". Il ne s'occupe pas véritablement de lui, ne joue pas avec lui, mais il va le chercher à l'école, l'accompagne, conseille et soutien au Judo, au ski. Mais le rejette aux autres moments de la journée (sports à la télé oblige). Il est égoïste, impatient et solitaire, il est lui-même très immature, mais je suis convaincue qu'il aime son fils.

Maman a perdu son travail (elle a mis sa carrière en veille, bien qu'elle soit encore en poste, mais réduit) car elle rentrait à 19 h 30 et devait lui faire faire les devoirs, lui faire prendre son bain, préparer le repas, préparer les affaires pour le lendemain… dîner, jouer un instant (dessins, puzzles, 7 familles… devant une K7 de Disney…) pour espérer un coucher à 20 h 40. C'était impossible dans le calme et la bonne humeur, et les nerfs ont rapidement pris le dessus.

Maman a alors, depuis le dernier trimestre du CP, confié les devoirs quotidiens (1 à 2 h/j !!!!!) à une jeune institutrice (la fiancée de son filleul) qui vient à la maison. Les conflits de cette partie de la journée sont désormais exclus entre Anthony et maman (car cela finissait systématiquement en pleurs de part et d'autre), demeurent ceux du matin, mais comme dans tous les foyers "dépêche-toi de t'habiller, de déjeuner… ton cartable, ta veste…" minimes et vite oubliés.

Mais il y a ceux du coucher, qui eux s'aggravent !

Devant son état psychologique et le conseil de sa psychiatre "arrêtez, il est gavé… " et celui de maman (elle ne dort plus depuis des mois, elle pleure le soir, elle cogite toute la nuit, à la fois culpabilisée et fataliste, désespérée) elle décide alors d'extraire Anthony à l'autorité glaciale et psychologiquement incompétente de l'école privée "élitiste" ...
et depuis la rentrée de janvier, il est admis en école publique.
Sa nouvelle maîtresse et la directrice sont accueillantes, ouvertes et proches de la psychologie infantile.
C'est rassurant.
Anthony a l'air moins angoissé et tous se sentent plus libres de cette pression scolaire négative…
Enfin sauvés ?
Non, en fin de la seconde semaine, la maîtresse convoque les parents :
Il a de nouveau un comportement défectueux : manque de respect envers ses camarades (petites moqueries et chiperies de goûter), exigence à la cantine (veut choisir, veut plusieurs portions… et la fève dans sa part de galette !), en classe il cherche encore et toujours l'exclusivité de sa maîtresse et ne fait aucun effort là même où il a les capacités. Il s'écrit sur les mains et partout sur ses livres et cahiers (c'est pas nouveau… ! dans son ancienne école il a dû nettoyer son bureau entier et sa chaise qu'il avait "tagués"). Elle sait qu'il a du mal avec le graphisme la géométrie… et qu'il souffre d'un trouble de déficit de l'attention et qu'il est très proche de l'hyperactivité. Elle est habituée et sait s'occuper de ces cas qui sont courants dans une ZEP.

Maman se demande "Qu'allons-nous devenir ? il ne veut pas travailler, obéïr, écouter les consignes jusqu'au bout… il est toujours d'accord, il promet souvent… il nous écrit et dit "Je t'aime" sur des petits-mots, au téléphone… on le sait, on n'y est sensible on l'aime tellement même si on le menace de pension, sentence qu'on ne pourrait pas tenir contrairement aux punitions banales (télé, play-station…) mais il souffre et nous sommes à bout, j'en suis malade, complètement déprimée".

Le soir, alors que papa et maman n'ont jamais pu le faire réintégrer sa chambre depuis cet été, il a instauré un rituel, le soir, qui les rend dingue.

Séquence immuable :

Il est à peine monté chez Tatie à 20 h 15, qu'il leur téléphone pour qu'on lui lance çi ou ça ou redescend pour le prendre …
il remonte et leur téléphone :
"bonne nuit à demain je t'aime, bonne nuit à demain je t'aime, bonne nuit à demain je t'aime" ...et papa doit répéter,
"bonne nuit bonne nuit bonne nuit, fais de beaux rêves" et papa doit répéter et rajouter "tu peux dormir"
puis c'est le tour de maman "bonne nuit à demain... etc"

et là on croit que c'est fini…
mais non, il enchaîne : "dis à papa que Tatie lui dit bonne nuit… dis-lui, je veux l'entendre" elle s'exécute espérant voir le bout… puis il se met à papoter et soudain "est-ce que papa m'a dit bonne nuit ? dis-lui…"… etc.

Son père préférant travailler à 5 h du matin, doit se coucher tôt car il se lève tôt... et ce "cinéma" l'énerve, il ne trouve pas le sommeil de sitôt, alors, il hurle, tient des propos irrespectueux et désolant : "il est mongol ce gosse, il faut le faire soigner..." alors qu'il ne veux pas participer de près ou de loin aux thérapies médicales d'Anthony.

Il est déjà 21 h 30.

Il faut le menacer, hurler… pour que cela s'arrête enfin, car il ne suffit pas de ne plus répondre au téléphone, puisqu'Anthony redescend alors en pyjama… en pleurs… il se donne des coups de poings sur la tête jusqu'à ce qu'on lui dise ce qu'il attend : bonne nuit... dix, vingt fois...

Cette dernière phase est plus récente, avant il se contentait de leur faire répéter chacun notre tour et raccrochait, puis il les rappelait feignant de s'être trompé de numéro (car il fait la même chose à ses grands-parents maternels au téléphone, après ses parents), il suffisait de le stopper fermement et ça s'arrêtait... mais chaque jour il repousse les limites.
Il dit toujours à maman, après tout le rituel : "tu n'éteins pas ton téléphone et je t'appelle pas !" mais il rappelle une, deux, trois fois… et maman s'énerve, elle lui rappelle sa promesse… mais il ne l'entend pas et il pleure… et il en redemande "une dernière fois, s'il te plait maman"…

... et ça n'en fini plus.
Chaque jour c'est plus long, plus bouleversant, plus énervant…
un infernal engrenage... inquiétant.

Maman est prête à "couler" sur les petits détails "universels" du quotidien (conseillés par la psy "mets tes pantoufles, mets ta serviette, va te laver les mains, ramasse des habits, mets ta veste, n'oublies pas ton cartable…") bien qu'elle sait que tout enfant a besoin de règles, de cadre, de structure pour grandir, mais la psy dit de le "lâcher" un peu, qu'il a trop de pression pour un enfant…
facile à dire, maman est déjà tant à son service : il laisse ses habits au sol, ses épluchures, papiers ou cuillère là où il est, sa chambre est un vrai champs de bataille… pourtant quand il décide de ranger, il connaît bien chaque emplacement. Il souffle si on lui demande de nous passer çi ou ça, alors que plus petit il aimait bien rendre service, faire la vaisselle, débarrasser la table (ça lui arrive encore de temps en temps, mais parce qu'il est maladroit et inattentif Tatie l'a souvent grondé ou l'empêché de se rendre utile ainsi et il n'ose plus).
C'est vrai qu'il est maladroit et démissionnaire dès qu'il s'agit de prendre son temps, de réfléchir : il ne sait même pas retourner un pull, enfiler correctement ses chaussettes, lasser ses chaussures, se verser à boire… il renverse son verre, mange salement… par contre il manie très bien les télécommandes, l'ordinateur, le téléphone… quand il veut, il peut ! C'est ce que maman se dit, pour se rassurer.

Maman est présente pour Anthony le matin et le soir, le mercredi et le week-end, son père est à la maison à partir de midi, mais s'absente souvent le week-end.
Anthony a 4 intervenantes de qualité et qu'il aime beaucoup : l'orthophoniste le jeudi soir, la psychiatre et la psychomotricienne le mercredi matin, et l'institutrice à domicile après l'école (et désormais qu'une heure le mercredi après-midi pour revoir la semaine au lieu des 1 h 30 chaque soir et plus le samedi).

Il progresse régulièrement au Judo, il reçoit même les félicitations pour "bonne conduite" (attention, respect…) et capacités. Il progresse également au ski (il a commencé la saison dernière, par cours particuliers de 2 heures, durant une dizaine de samedi). Ca lui plait et il est indispensable pour son équilibre qu'il fasse du sport, il est en surpoids et doit se dépenser.
Ce sont, de plus, des instants exclusifs entre son père et lui.

Qui pourrait aider Anthony et ses parents ? car ils n'en voyent pas le bout malgré ses différentes prises en charges par des spécialistes, seule l'orthophoniste peut se vanter de résultats probants.

Anthony s'engouffre chaque jour davantage dans ses angoisses inconscientes, ses besoins d'être démesurément rassuré, ses difficultés de transitions entre les pièces, de concentration, de grandir, de briser les liens, l'état fusionnel entre nous deux, son attachement à son doudou (deux, depuis plus d'un an : celui d'origine, en mauvais état, et celui l'ayant remplacé lors de sa perte temporaire), son comportement agressif, ses crises (il se tape de plus en plus fort sur la tête), son autosuggestion négative, ses doutes… amenant ses "rituels" qui les rendent fous

Maman est inquiète quant à son avenir psychologique, elle craint le pire… pense à l'adolescence : le suicide, la drogue, la délinquance…
L'échec scolaire le guette alors qu'il lit parfaitement bien, qu'il a une excellente mémoire, qu'il est très curieux et adore la géographie, l'histoire des hommes, les animaux, la nature… et qu'il a soif d'apprendre. Il a les capacités et maman met tous les moyens en œuvre pour l'aider, le satisfaire dans son apprentissage. Elle a lu des dizaines de livres sur la psychologie infantile, l'éducation positive, l'enfants roi, les conseils pour les familles avec des Tocs… mais elle est toujours anéantie et incontrôlable, face à son comportement, notamment le soir.
Dès le matin, fatiguée d'une mauvaise nuit, elle redoute déjà le moment du coucher, bien qu'elle n'en parle pas et reste forte devant lui. Elle en souffre aussi.

Comprendre comment cela est arrivé :

Il est devenu le centre du monde :

Il est un "enfant roi" car son grand-père maternel lui cède tout.
Bien qu'ils aient agî ainsi, dans sa petite enfance, les grands parents paternels le gâtent, les quelques fois qu'ils l'ont avec eux, mais depuis 3 ans, ils ont instauré des règles et des limites à ne pas franchir... et ça marche bien.
Par contre, aux moindre refus, contrariété, punition… Anthony téléphone à son papi maternel, qui accoure aussitôt et cèdera alors à tous ses désirs (resto, promenade, dormir avec lui…).
Ce papi de 60 ans, n'a pas eu d'amour maternel, il a travaillé tôt et très dur durant 45 ans, 7/7 j et plus de 18 h/j. Il a donc choisi de placer la réussite professionnelle avant sa vie personnelle (il ne s'est rien accordé) sentimentale (il a entraîné son épouse dans cette spirale) et familiale (il a négligé en présence, mots et gestes tendres sa fille unique). Il se rattrape et se refuse à dire "non", parvient parfois à "on verra".
Il apprécie aussi qu'il se tienne à table. S'approchant des 100 kg, il ne trouve pas anormal que son petit-fils mange deux fois des lasagnes, des frites dans l'assiette de Mamie, du pain, et termine par une glace avec chantilly. Anthony pèse 40 Kg pour 1.33 m.

Avant et depuis :

Anthony a très bien vécu ses 3 années de maternelle. Calin avec les maîtresses, serviable avec ses camarades. Il préfère la compagnie des filles moins violentes et bruyantes à son goût.
En seconde année, la maîtresse a souhaité qu'il se passe de son doudou et qu'il s'investisse davantage dans les jeux collectifs. Réussi.
En troisième année, la maîtresse a remarqué des lacunes en psychomotricité et en graphisme (dessins enfantins, et écriture négligée).

Il est entré, à juste 6 ans, au CP dans une école privée et dès la première semaine était remarqué pour laxisme et rejeté pour son écriture et son côté souillon. Il devient alors démissionnaire, traîne comme un boulet une image dévalorisée de lui accentuée par la pression constante de l'école et celle de ses parents eux-mêmes sous la menace de renvoi…c'est là que maman décide de le présenter à une psychiatre qui les dirige aussitôt vers une orthophoniste et une psychomotricienne.
Leur bilan dès les premières séances est unanime : Anthony est immature, il ne veut pas grandir… il est angoissé…
Bien entendu, l'école informe clairement les parents qu'elle ne souhaite pas d'enfant avec des troubles du comportement et des "handicaps" tels que la dysgraphie… (à remarquer qu'un mois après la rentrée en CP, la maîtresse oblige les enfants à écrire avec des stylos plumes…et n'a pas remarqué que soudainement en cours d'année, il inversait des lettres à l'écriture…!)

Les points clefs, les chocs :

6 mois après la rentrée en CP, son arrière-grand-mère maternelle décédait d'un long cancer, il l'a visitée dans son lit durant les derniers mois… et il a malheureusement échappé à la surveillance de sa grand-mère paternelle et a vu son corps dans le cercueil. Il le dessine souvent… mais avec plein de couleurs !
Une semaine après, le grand-père de son père décédait à son tour. Il ne le voyait que lors des vacances d'été et de Noël et l'aimait beaucoup. ILs jouaient souvent ensemble. Il n'a pas assisté à l'enterrement. Maman a eu ainsi la possibilité de l'informer par degré de son décès. Il a moins pleuré et admis le fait qu'il ne le reverrai plus jamais, il est allé spontanément déposer une fleur sur sa tombe dès les vacances suivantes (4 mois après son décès) et lui a parlé en regardant le ciel, il semble avoir bien compris. Il parle souvent de son arrière-grand-mère, il pleure un peu, parle d'elle nostalgiquement, mais n'a jamais parlé de peurs, de fantômes etc… il croit que tous sont heureux au ciel, qu'ils veillent sur nous et qu'il suffit de penser à eux dans son cœur… éventuellement envoyer un bisous vers le soleil… il a compris que le corps est au cimetière et "l'âme" au ciel… ça lui convient. Son arrière-grand-mère paternel est décédée quand Anthony avait 2 ans, il se souvient d'elle et en parle souvent, comme d'une référence… elle était l'autorité suprême de la famille.

Lors des vacances de Pâques, après la série de deuil, son oncle, impulsif et arrogant de nature, est personnellement soucieux et nerveusement fatigué, et c'est ainsi que soudainement il s'en prend brutalemment à maman, sous l'oeil choqué d'Anthony qui reste marqué par cet épisode. Marqué par cet accès de violence, il en parle souvent avec sa psy et semble avoir pardonné à son oncle. Il a toujours été très sensible aux altércations verbales agressives.

Puis, cet été, il assiste à une montée en ton d'hommes ivres que son père tente de calmer. Bien que sa maman l'ai immédiatement éloigné et protégé de cette navrante et rididule démonstration. Mais, il a eu très peur, on ne sait pas de quoi exactement, il a amplifié ce qu'il n'a pas compris (l'alcootest), cet événement demeure un mauvais souvenir auquel il fait référence parfois avec dégoût.

Dernièrement, son père lui refuse catégoriquement un baiser sans raison autre que sa mauvaise humeur dûe à un soucis personnel (décidémment !). Cette fois, Anthony l'a immédiatement confié à sa psy qui a su minimiser mais a mis maman en garde sur le renouvellement d'une telle attitude de la part de son père qui n'a déjà pas bonne presse dans son coeur. Anthony étant persuadé que son père ne l'aime pas car il ne joue jamais avec lui et le crit souvent, lui fait peur par ses propos menaçants et ses gestes.

Comment s'attendre à une amélioration :

Selon la psy, il faut lâcher du lest tout en restant fermes sur certains principes : ce sont les parents qui commandent l'enfant.
Selon la psychomotricienne, il a besoin de cadres biens définis, de limites.
Selon la logique, il faut lui inculquer une éducation basée sur une structure, une méthode régulièrement et unanimenet appliquée.