C'est au début du cinquième siècle que Saint Honorat trouve, en se fixant à Lérina, le désert qu'il désirait et qui va rapidement devenir l'un des centres les plus rayonnant du monachisme occidental à ses débuts.
Honorat, originaire des Gaules, d'une famille noble, se convertit et reçoit le baptême encore dans l'adolescence. Attiré par l'idéal monastique, il se retire, avec son frère Venance, dans un domaine familial. Après un certain temps, ils s'embarquent en compagnie d'un ancien, Caprais, sans doute à Marseille pour aller aux sources du monachisme, en Orient. Au cours du voyage, Venance meurt et Honorat et Caprais, avec quelques compagnons, reviennent en Provence.
Entre 400 et 410, Honorat et ses compagnons arrivent sur l'île qui porte aujourd'hui son nom. Avec la bénédiction de Léonce, évêque de Fréjus, il fonde une communauté cénobitique (où les moines mènent la vie commune). Dès 427, selon Cassien, cette communauté est déjà un "immense monastère".
La vie monastique instaurée par Honorat fut codifiée dans une règle écrite dont la première rédaction, la " Règle des Quatre Pères ", fut la première du genre en Gaule. Mais Honorat doit quitter Lérina probablement en 428, appelé par les habitants d'Arles à accepter le siège épiscopal. C'est là qu'il meurt en 430.
Les 5 et 6ème siècle sont appelés " âge d'or " de Lérins. Ses moines les plus célèbres, sont Saint Maxime et Saint Faust successivement abbés de Lérins et évêques de Riez, Saint Hilaire successeur de Saint Honorat en Arles, Saint Eucher, évêque de Lyon. De même, Saint Vincent de Lérins écrit sur l'île des saints en 434 le Commonitorium où il propose d'"énoncer une règle sûre qui permettra de distinguer la vraie foi de l'hérésie ". Cette règle se résume dans la célèbre formule : " Dans l'église catholique, il faut veiller avec le plus grand soin à tenir pour vrai ce qui a été cru partout, toujours et par tous ".
Au 6ème siècle, il faut citer la grande figure de Saint Césaire d'Arles qui fait adopter au Concile d'Orange, en 529, un formulaire sur la doctrine de la grâce et écrit une règle monastique pour les moniales qu'il avait réunies à Arles, où il fixe la structure de l'office divin " comme il se célébrait à Lérins ". Les nombreux évêques issus du monastère de Lérins contribuent fortement à la christianisation de la Provence.
L'influence du monastère s'étend même au-delà, notamment jusqu'en Angleterre grâce à Saint Benoît Biscop, moine anglais, formé à Lérins, qui fonde en 681 à Jarrow le monastère où va vivre Bède le Vénérable. La tradition veut que Saint Patrick, lui aussi, soit venu à Lérins se former à la vie monastique pendant quelques années. De même Saint Augustin de Cantorbéry sur le chemin qui le conduira de Rome à l'Angleterre s'y arrêtera un hiver entier.
Brève histoire du monachisme :
Dès la fin du 3ème siècle, la chrétienté orientale commence à comporter en son sein des moines : Ces hommes se séparent de la société pour se retirer dans des lieux déserts, le désert étant, dans la Bible, le lieu de l'épreuve purificatrice et de la rencontre avec Dieu. Ils y mènent une vie d'ascèse, de prière, de travail et de solitude. Le père incontesté de ce genre de vie est l'Egyptien Saint Antoine le Grand. Né en 251, il mène une vie de solitude dans le désert d'Egypte jusqu'à l'âge de 105 ans. Sa vie, écrite par saint Athanase, aura une influence considérable sur le monachisme chrétien, tant en Orient qu'en Occident. Saint Pacôme, égyptien lui aussi, sera le Père du monachisme communautaire (cénobitique). Il organisera les moines voulant vivre en communauté selon une règle bien précise qui aura des influences, elle aussi, en Orient et en Occident. Dès le 4ème siècle, on trouve des moines dans tout le Moyen-Orient (Egypte, Palestine, Syrie, Asie Mineure, Mésopotamie). Cette nouvelle forme de vie chrétienne se répand en Occident, à commencer par la Gaule et tout d'abord la Provence. Les premiers foyers de vie monastique sont ceux de saint Cassien à Marseille, et saint Honorat aux Iles de Lérins, après que saint Martin et ses successeurs aient développé aussi une vie de solitude et de rayonnement évangélique dans l'ouest de la Gaule.
Naissance du monachisme bénédictin
Au 6ème siècle, en Italie, s'impose alors la figure de saint Benoît. D'abord ermite puis moine et abbé de Subiaco et du Mont Cassin, il va être le législateur du monachisme occidental grâce à la règle monastique qu'il a écrite pour son monastère et qui s'imposera peu à peu à toute l'Eglise latine. Le monachisme " bénédictin " est né. Il s'étend de plus en plus et atteint son apogée, et une quasi exclusivité, au 10ème siècle, avec l'abbaye de Cluny (fondée en 910).
Réforme cistercienne
A la fin du 11ème siècle, dans le mouvement de la réforme grégorienne, des moines bénédictins veulent revenir aux sources de leur propre tradition. Ils quittent leur monastère de Molesme, en 1098, avec leur Père Abbé, Saint Robert, pour fonder l'abbaye de Cîteaux, près de Dijon. Ce sont les fondateurs d'un ordre qui, rapidement, couvre l'Europe de monastères. Saint Bernard, avec une trentaine de jeunes nobles, entre à Cîteaux vers 1112 et fonde en 1115 l'abbaye de Clairvaux. Il en reste l'abbé jusqu'à sa mort, en 1153. Par une vie de prière, dans la pauvreté, la simplicité et la séparation du monde, les moines cisterciens entendaient retrouver la pureté de l'esprit de la Règle de Saint Benoît. C'est cet esprit qui présida à la fondation de l'abbaye de Sénanque, puis à la réouverture de l'abbaye de Lérins, sur l'île Saint Honorat.
MONUMENTS
Monastère fortifié :
Période de construction du 11ème au 14ème siècle.
Vers 1073 début de la construction d'une première tour de refuge par l'abbé Adalbert II, qui probablement commença à construire aussi la tour du Suquet (Cannes).
Au cours des siècles suivants d'autres éléments viendront s'y ajouter dont l'aménagement de deux cloîtres superposés. Le tout englobé dans un parement en bossage.
Au sous-sol, de très importantes caves (12ème et 14ème) abritaient probablement les réserves de nourriture. On y trouvait un moulin à huile et un four à pain Le premier niveau était consacré plus spécialement au travail et à la vie commune. Le cloître est construit sur le plan des cours intérieures des maisons du 14ème siècle autour d'une citerne, dont la plupart des colonnes sont empruntées à des monuments romains.
Le deuxième niveau était plus spécialement consacré à la prière. Le cloître comporte 12 colonnes octogonales en marbre donnant sur trois chapelles, dont la Chapelle Sainte Croix (14èmesiècle).
Les niveaux supérieurs étaient réservés aux militaires : salle de garnison, et terrasses de signalisation et de défense avec l'emplacement de l'ancien clocher. Sur des gravures du 17ème siècle, on voit qu'il y avait un toit à la place des créneaux restaurés au 19ème siècle.
Les Chapelles :
Une des particularités du monastère de Lérins est d'avoir conservé 7 chapelles disséminées sur l'île. À partir du Moyen Age, elles ont servi de stations pour un important pèlerinage se déroulant principalement de l'Ascension à la Pentecôte. Celui-ci était très populaire en Provence. Quatre de ces chapelles sont actuellement accessibles au public.
Chapelle de la Trinité
Située à l'extrémité sud-est de l'île, elle témoigne de la grande dévotion des moines lériniens à la Trinité. Ce bâtiment est très vraisemblablement du 9ème ou 10ème siècle malgré des restaurations au 12ème. C'est un des plus beaux édifices datant de cette époque. Après la prise de l'île par les Espagnols (1635), la chapelle a été transformée en fortin par l'adjonction d'un étage supplémentaire pour y placer une batterie de canons. Elle n'a été rétablie dans son état primitif qu'en 1936.
Chapelle St Sauveur
Située au nord-ouest, non loin du débarcadère, elle porte un très ancien vocable probablement d'origine carolingienne. Son plan octogonal, muni d'une abside à l'est, est assez original. La partie centrale est couverte par une voûte en étoile datant du 17ème siècle. Il est vraisemblable que Saint-Sauveur soit un ancien martyrium, probablement du début du 11ème siècle.
Chapelle St Caprais
La chapelle St Caprais a été restaurée en 1993. Elle est située à l'extrémité ouest de l'île, où St Caprais, compagnon de St Honorat, aurait vécu comme ermite.
Chapelle St Pierre
La chapelle St Pierre situé en bordure sud, prés du monastère, a été restaurée en 1963. Des fouilles ont montré un assez grand nombre de sépultures médiévales.
Les Fours à boulets :
Les fours à rougir les boulets étaient, au 18ème et au 19ème siècle, un élément complémentaire des batteries installées sur les rivages français pour assurer les défenses côtières. Les tirs à boulets rougis par le feu incendiaient la voilure et les ponts en bois des vaisseaux, entraînant la mise hors de combat de l'attaquant. Il resterait en France, une dizaine de fours, dont quatre sur les îles de Lérins. La construction de ceux des îles de Lérins se termine en février 1794, à l'instigation de Bonaparte.
Le Cloître du XIIème siècle :
Le cloître médiéval est situé au cœur de l'habitation de la communauté monastique actuelle.
Il est composé de quatre galeries dont la construction s'étale de la fin 11ème à la fin 12ème siècle. Cloître aux ouvertures parcimonieuses, taillé tout d'un bloc dans une pierre extraordinairement dure irisée par la lumière. Pas le moindre ornement, pas la moindre console sculptée. Les cisterciens d'aujourd'hui peuvent s'y sentir tout à fait comme chez eux.
Deux grandes salles des 12ème - 13ème siècle bordent deux côtés de ce cloître. La salle du chapitre, qui tient son nom de ce que chaque jour la communauté s'y réunit pour y entendre la lecture d'un passage, d'un " chapitre " de la Règle de saint Benoît et son commentaire par le Père Abbé Dans cette salle se prennent aussi les décisions importantes, les admissions à la vie monastique, et l'élection de l'Abbé (supérieur du monastère).
Le réfectoire, qui tire sa beauté de son vaste berceau brisé. La Règle de Saint Benoît prévoit pour les moines une nourriture simple que l'on prend en silence en écoutant une lecture.
Le Monastère du IXème siècle :
Les bâtiments entourant le cloître médiéval datent de la fin du 19ème siècle, à la reprise de la vie monastique sur l'île par les cisterciens de Sénanque. Deux grandes ailes d'habitations en angle droit, avec des coursives en colonnade, dont l'une abrite les " cellules " des moines, la bibliothèque, l'infirmerie et les cuisines.
L'autre aile a été depuis les années 1960 aménagée en hôtellerie monastique. L'église actuelle, construite sur l'emplacement de celle du 12ème siècle, date de la même période de construction, elle a été consacrée en 1928.
LA COMMUNAUTE :
Selon la tradition cistercienne notre mode de vie est une vie communautaire, principalement dans les divers aspects de la vie fraternelle, la prière et le travail. La communauté vivant actuellement au monastère de Lérins est constituée de 25 moines provenant d'horizons culturels divers.
On peut-être surpris ou interrogé par notre genre de vie menée dans ces lieux chargés d'histoire et relativement préservés, mais cela ne doit pas faire penser que là vivent quelques témoins d'un âge passé et un peu magique selon une imagerie trop présente dans l'esprit de nos contemporains.
Non, il s'agit bien d'hommes qui vivent avec la culture de leur siècle et qui en confrontent tous les aspects aux valeurs qu'ils puisent dans l'Evangile du Christ et la pensée chrétienne.
La prière :
Sept fois le jour les moines se réunissent à l'église pour la célébration des heures liturgiques (temps de prière). Ces temps de célébration commune forment l'ossature de la journée et sont principalement composés de psaumes, hymnes, lectures bibliques et de textes de pères de l'Eglise. Ils sont ouverts à la participation des hôtes ou des visiteurs.
Les sept offices de la journée sont : Vigiles, Laudes, Tierce, Sexte, None, Vêpres et Complies.
Il y a aussi la prière personnelle. Chaque jour après Vigiles, chaque moine se retire en solitaire dans sa cellule pour lire et méditer la Bible. Par cette mise à l'écoute, la Parole du Dieu vivant, lue à la lumière du Christ ressuscité, tend à devenir dans le cœur du moine, prière incessante et norme de vie
En fin de matinée les frères se rassemblent pour la Messe. L'Eucharistie est la source de laquelle découlent la grâce et la sanctification des hommes. info-horaires
Le Travail :
La prière et le travail ne sont pas deux choses qui se contredisent, mais qui se complètent. Saint Benoît, et les cisterciens à sa suite, ont désiré que le moine travaille : " Ils seront vraiment moines lorsqu'ils vivront du travail de leurs mains ".Avec la prière, la vie fraternelle et l'étude, le travail est un lieu de croissance et d'équilibre spirituel.
Le travail est vécu dans une notion de service fraternel et non de carriérisme. Il est réparti selon les forces et les capacités de chacun.
Depuis les années 90, les moines ont relancé une exploitation vitivinicole en restructurant un vignoble de 7, 60 hectares avec lequel ils produisent d'excellents vins blancs et rouges.
Depuis le 19ème siècle ils gèrent une fabrique artisanale de liqueurs. L'abbaye possède aussi une librairie et un magasin de produits monastiques. Il faut constamment veiller à ce que les problèmes d'ordre matériel ne viennent occulter le sens profond de la vie monastique.
Une place importante est aussi donnée à l'accueil, la communauté possède une hôtellerie monastique. Hospitalité Accueil.
La Formation :
La formation du moine passe par un long cheminement.
Celui-ci s'échelonne par étapes successives sur cinq années. Cheminement prudent
et nécessaire pour permettre à celui qui s'engage de se rendre compte des
exigences de la vie au monastère et de se préparer à son plein engagement.
Une formation spirituelle et intellectuelle sérieuse est aussi dispensée au
cours de ces années. Ce cycle d'études est prolongé par une formation permanente.
La Congrégation :
La Congrégation Cistercienne de l'Immaculée Conception (CCIC) est l'une des 13 congrégations constituant l'Ordre de Cîteaux. Les monastères de notre congrégation sont répandus sur 3 continents. Des échanges réguliers permettent de maintenir des liens fraternels, d'apporter une aide mutuelle, tant sur le plan spirituel que socio-économique.
Avec N-D de Lérins les maisons de la CCIC sont :
- N-D de Sénanque, très belle abbaye cistercienne du 12ème siècle, dans le Vaucluse. Elle est le berceau de notre Congrégation depuis 1854. Actuellement y vit une communauté de six moines. Ils y gèrent une petite hôtellerie, cultivent la lavande, produisent du miel et tiennent une importante librairie.
- N-D de la Paix se situe au nord de Nice, au-dessus de la vallée du Var. Branche féminine de notre Congrégation depuis ces débuts, les sœurs se sont installées à Castagniers en 1930. Elles sont actuellement 18 moniales. L'abbaye possède une hôtellerie de 20 chambres. L'activité principale est une chocolaterie ainsi que d'autres activités artisanales (confitures, biscuits, tricot) et agricoles.
- N-D de Nazareth se trouve dans la grande région de Montréal, au diocèse de Saint-Hyacinthe. Fondée par Lérins en 1932, érigée en Abbaye en 1950. Elle compte une quinzaine de moines. L'hôtellerie de 29 chambres est entourée par un verger de 12.000 pommiers, une petite cidrerie et une chocolaterie artisanale.
- Le Monastère Dominus Tecum se trouve au Piémont en Italie, à 860 m d'altitude, dans le diocèse de Saluzzo. Fondé par Lérins en 1995, il compte 5 moines présents au monastère, une partie de la formation se fait à Lérins. Les principales activités sont, une petite hôtellerie, confitures, miel, et un atelier d'icônes.
- Notre-Dame du Cœur Sacré de Jésus se trouve au centre du Vietnam, dans le diocèse de Nha Trang. Fondée par Lérins en 1934, elle a vu sa communauté expulsée en 1977, et se fixer au lieu dit My-Ca, après confiscation des bâtiments et des terres du monastère par le gouvernement de l'époque. Au cours de la dernière décennie la communauté a vu affluer de nombreuses vocations. Elle compte actuellement une vingtaine de moines dont beaucoup sont encore en formation. Les frères cultivent une rizière, et des fruitiers et des hévéas.
L'Ordre :
L'Ordre de Citeaux (O C) regroupe 13 congrégations masculines ayant leurs statuts propres, huit d'entre elles comportent une branche féminine.
D'autres moniales sont réunies en fédérations (Espagne, Italie) ou possèdent un statut particulier.
L'O C compte 86 monastères de moines et 61 monastères de moniales. La plupart sont implantés en Europe, les autres en Amérique du Nord, au Viêt-Nam, au brésil, en Ethiopie, en Bolivie.
L'O C fait parti d'un ensemble plus vaste appelé famille cistercienne. Cette famille comprend l'Ordre Cistercien de la Stricte Observance (OCSO), la Congrégation cistercienne de St Bernard (monastères féminins espagnols), les Cisterciennes Bernardine de Collombey et de Géronde (Suisse romande), les moniales Cisterciennes Bernardines d'Esquermes, les sœurs Bernardines d'Oudenarde.(Belgique)
LA SPIRITUALITE :
La Vie du Désert :
" C'est moi qui vais la séduire, je la conduirai au désert et je parlerai à son cœur. " Osée 2,16.
Les premiers moines recherchaient dans les déserts silence et solitude pour vivre au plus intime cette rencontre amoureuse de Dieu et de l'homme. Chemin de renoncement aux biens personnels et à une certaine vie sociale pour cheminer dans la véritable connaissance de soi et de son Dieu à la suite du Christ.
Hier comme aujourd'hui, ce renoncement n'est pas coupure d'avec ses contemporains, nombre de gens se sont rendus et se rendent encore auprès de ces moines, pour y trouver une parole de vie, un conseil, une consolation. Dans nos contrées où les déserts géographiques sont rares, les monastères se sont généralement implantés dans les campagnes, les montagnes et les îles, voire même dans des centres urbains. La notion de fuite au désert s'est transposée dans la vie stable d'une communauté de chercheurs de Dieu dans un lieu délimité, un cloître.
Un cistercien du 12ème siècle sur l'île de Ré décrivait ainsi son désert : " La miséricorde de Dieu a daigné disposer cet exil, notre exil, de manière qu'il nous soit loisible de prier, de méditer, de lire, et qu'il nous soit nécessaire de travailler… Si nous sommes descendus en cette île, la dernière de toutes les terres, après laquelle, comme dit le prophète, il n'y en a plus d'autre, dans cette petite île perdue dans l'immensité de la mer, c'est pour monter à Jérusalem, celle d'en haut. "Isaac de l'Etoile, Sermons.
La Vie Fraternelle :
Notre vie commune se caractérise selon deux axes, à l'image de la première communauté chrétienne de Jérusalem décrite dans le Nouveau Testament: une vie de communion fraternelle dans le partage d'une même foi, et une mise en commun des biens spirituels et matériels: " les croyants étaient fidèles à écouter l'enseignement des apôtres et à vivre en communion fraternelle, à rompre le pain et à participer aux prières…tous ceux qui étaient devenus croyants vivaient ensemble, et ils mettaient tout en commun " Ac 2, 42-45 ; 4, 32
Cette communauté ne résulte pas d'un choix par affinité de caractère ou professionnelle ou sociale ou idéologique, mais elle est une réponse à un appel intime et profond à mettre en œuvre les préceptes évangéliques, en essayant de vivre ensemble, au plus vrai, les exigences de la vie baptismale.
Cette vie fraternelle, pour être un terreau fécond labouré en profondeur par le renversement de l'Evangile, demande un engagement durable de chacun à travers le temps et les diverses facettes de la vie commune.
Engagement dans le service mutuel, engagement dans l'acceptation de l'autre dans la patience et la douceur, engagement dans le pardon constructif, engagement à se mettre à l'école du Christ.
Paix et Stabilité :
Dieu veut notre bonheur à tous. Cette plénitude se réalise d'abord par la paix extérieure bien sûr, et commence par la paix intérieure, en chacun de nous.
Le cistercien n'est-il pas interpellé tout au long de cette vie par cette question ?
La Règle de St Benoît qui structure notre vie nous adresse cette invitation: " Garde ta langue du mal et tes lèvres des paroles perfides. Evite le mal, fais ce qui est bien, poursuis la paix, recherche-la. " Ps 33, 14-15.
La Bible nous révèle que cette paix, ici bas, n'est pas obligatoirement l'absence de difficultés, voire de souffrances, mais le fruit d'une Présence. Présence dans un être, une communauté, un pays, qui donne force et vie. Le Christ source de paix peut nous y conduire vraiment.
Une Ecole de Charité :
" Dieu est amour " 1 Jn 4-8
C'est parce qu'ils ont vécu intensément de cet amour que Dieu a pour l'homme que les Cisterciens du 12ème siècle et leurs successeurs ont écrit de si belles pages. Pages qui peuvent encore aujourd'hui nous inspirer et nous fournir matière à penser.
Cette compréhension de Dieu les ont incités à mettre d'autant plus en pratique ce précepte du Christ" Aimez vous les uns les autres comme je vous ai aimés " Jn 15.
Les pères cisterciens ont aimé à définir le cloître comme une " école de charité ", école dans la quelle on se rend conforme au Christ. Le but de l'amour, de la charité, est de rendre à l'homme défiguré, la ressemblance divine, de réordonner l'amour en lui.
Une étape fondamentale est la connaissance de notre être replié sur lui-même, incapable de se tourner vers les autres. Comme remède à ce replie nous devons contempler le Christ dans son humanité : " Le Christ s'est montré doux et humble de cœur, bienveillant, affable, débordant de miséricorde. " Saint Bernard, sermon pour l'Ascension, 6. Contemplation qui peu à peu porte à l'union à Dieu et à la charité fraternelle qui s'épanouit en compassion.
L'HOSPITALITE :
L'hospitalité monastique aujourd'hui répond à une demande de l'Eglise de notre temps. C'est un ministère d'accueil et d'écoute qui s'accorde avec notre vocation contemplative.
Nous sommes tous pèlerins sur cette terre, en chemin vers la Maison du Père, et nous avons tous besoin pour un temps d'être accueillis.
Les moines sont appelés à accueillir dans la foi, la douceur et l'humilité, les visites imprévues du Maître de maison à travers le visage de chacun, car le Christ lui-même dit : " j'ai été hôte et vous m'avez reçu. ".
S'arrêter au monastère demande une attitude d'ouverture à Dieu qui y habite. Il faut prendre un temps de recul et de silence, pour en pendre conscience.
Se reposer dans un lieu à l'écart, prier, écouter, faire silence. Oui, quelquefois, on ressent le besoin intime de rester à contempler en paix, en solitude, un je ne sais quoi de solide, de lumineux, de sûr.
Le silence de la prière, les hôtes le savent
ou l'apprennent pendant leur séjour, est l'attitude juste qui peut nous ramener
à l'intérieur de nous-mêmes et dans le même temps nous ouvrir à l'univers,
à l'autre, à Dieu.
L'accueil est alors un lieu privilégié où chacun donne, où chacun reçoit.
Séjour :
Les séjours à l'hôtellerie sont accessibles, à titre individuel, et pour les
groupes dans la limite de 30 places, ainsi qu'aux couples. Durée maximale,
une semaine. L'hôtellerie est fermée au mois de novembre.
Toute demande doit être adressée si possible 2 mois à l'avance au frère hôtelier.
L'accueil est réservé aux personnes qui cherchent un lieu pour se ressourcer,
goûter le silence, où prier.
La participation aux prières liturgiques, selon le rythme de chacun, est recommandée.
Les repas se prennent dans un climat de silence.
Il est possible de se faire accompagner par un frère, et de recevoir le sacrement
de réconciliation.
Visiteurs d'un jour :
Vous pouvez venir sur notre île en simple visiteur ou en pèlerin d'un jour
pour y découvrir son charme et son calme. En cours d'année vous pourrez visiter
le Monastère fortifié, classé monument historique. L'été, l'accueil est plus
structuré grâce à une équipe de jeunes bénévoles. Les parties d'habitation
monastique ne sont pas visitables, mais l'église abbatiale est ouverte au
public, vous pourrez vous y recueillir ou participer à quelques offices liturgiques
et à la messe avec la communauté monastique.
Jeunesse Accueil Lérins :
Chaque été des équipes de jeunes bénévoles entre 18 et 26 ans aident l'Abbaye
dans sa mission d'accueil, en se mettant au service des nombreux visiteurs.
Ce bénévolat s'adresse aux jeunes désirant approfondir ou découvrir la foi
chrétienne au contact de la communauté monastique.
Les Mardis de Lérins :
Chaque été depuis 1976 l'Abbaye organise avec l'aide des diocèses de Fréjus
-Toulon et de Nice, des journées ouvertes de réflexion, de prière, de rencontre
et d'échange.
Crédit textes : www.abbayedelerins.com
Crédit photos : (vue aérienne de l'Ile St Honorat / La forteresse)
www.abbayedelerins.com
L'île St Honorat abrite l'un des monastères les plus anciens d'occident.
Du début du 5ème siècle à nos jours, à travers
16 siècles d'histoire parfois tourmentée, cette petite île est restée un lieu
consacré à la vie monastique. Actuellement l'île St Honorat est la propriété
d'une communauté de moines cisterciens qui prolongent cette longue tradition
monastique, de prière, de vie fraternelle, de travail et d'accueil.
L'île St Honorat abrite l'un des monastères les plus anciens d'occident.
Du début du 5ème siècle à nos jours, à travers 16 siècles d'histoire parfois
tourmentée, cette petite île est restée un lieu consacré à la vie monastique.
Vie de contraste et d'appel à s'interroger sur le sens profond de la vie,
face à une " Côte d'Azur " renommée, mais de par trop exploitée et surfaite,
voire trop superficielle.
Le principal travail agricole des moines est la culture de la vigne, l'élaboration de vins de qualité, et depuis plus d'un siècle une fabrication artisanale de liqueurs. L'Abbaye de Lérins est la " maison mère " de la Congrégation Cistercienne de l'Immaculée Conception, actuellement présente sur trois continents.
L'île est accessible aux personnes qui désirent se ressourcer intérieurement, pour un séjour, ou pour trouver une journée de calme, et partager la prière des moines.
Une Ile :
Au large de la baie de Cannes, ce qui fait la particularité de l'île St Honorat est d'être, depuis 16 siècles, un lieu de vie monastique et de recherche de Dieu. Ici, ni agitation, ni pollution, ni spéculations.
"J'aime et honore entre tous les lieux ma chère Lérins, qui reçoit dans son sein plein de miséricorde ceux qui viennent au sortir des naufrages de ce monde. Elle introduit affectueusement sous ses ombrages tous ceux qu'a dévoré l'ardente chaleur du siècle, pour qu'ils puissent reprendre haleine, en cet abri intime. Elle abonde en eaux vives, en ombrages verdoyants, en fleurs parfumées… elle s'offre à ceux qui l'habitent comme un vrai paradis. Oh qu'elle est agréable, pour ceux qui ont soif de Dieu, cette solitude ! Qu'elles sont douces, à ceux qui cherchent le Christ, ces vastes étendues où tout plonge dans le silence ! Alors l'âme joyeuse monte doucement vers son Dieu " (St Eucher, Eloge du désert, 5ème siècle).
GEOGRAPHIE :
Les îles St Honorat et Ste Marguerite forment
l'archipel des îles de Lérins au large de Cannes.
L'île Saint-Honorat est séparée de l'île Sainte Marguerite par un chenal d'environ
500 m de large, le " plateau du milieu ", ou " Frioul ". Sa superficie est
de 40 ha.
Sainte Marguerite est la plus grande des deux îles. Elle s'étend sur 210 hectares
dont 170 ha de forêt, à 700 m de la pointe de la Croisette.
GEOLOGIE ET BOTANIQUE :
Les îles de Lérins constituent une même réalité biologique. Leur origine géologique est commune. Elles sont formées en majeure partie de dolomies (roches calcaires contenant du magnésium).
En surface, la roche est recouverte d'un limon
argileux rouge. St Honorat est privilégiée par la présence d'une source d'eau
douce. L'île Ste Marguerite, plus étendue et plus rapprochée du rivage, n'a
pas de sources naturelles.
La couverture végétale des deux îles est constituée d'une futaie de pins d'Alep
(Pinus halepensis) et d'une forêt de chêne vert (Quercus ilex, ou Yeuse) qui
indique que l'équilibre entre les différentes espèces botaniques a été atteint.
Sur l'île St Honorat, à proximité de l'Abbaye, poussent également des palmiers,
micocouliers, cyprès en coupe-vent pour protéger les vignobles, ainsi que
diverses plantes grasses, cactées, agaves, aloès.
Le maquis est constitué de lentisque, myrte, filaria, où se mêlent par taches des oliviers, cistes blancs et roses, lianes nombreuses (chèvrefeuilles, clématides).
Sur le littoral poussent, crithme, cinéraire, pousses de pin d'Alep. Sur les rochers se développe une flore classique méditerranéenne qui regroupe le christe marine (ou fenouil de mer), le lotier et le statice, appelé aussi lavande de mer.
On rencontre aussi dans les deux îles de nombreuses essences exotiques, importées aux siècles derniers. Par arrêté du Code forestier, toute cueillette de flore est interdite.
HISTOIRE :
Repères chronoliques :
Entre 400 et 410 : Honorat, Caprais et quelques compagnons arrivent sur l'île et forment une communauté de moines qui s'agrandit rapidement et rayonne dans toute la Provence romaine.
A partir du VII e siècle, Les moines adoptent la Règle de Saint Benoît.
8ème - 9ème siècle : période politique troublée et raids destructeurs attribués postérieurement aux Sarrasins. Nous ne connaissons l'histoire de cette période que par des documents très postérieurs.
Vers 980 : " Libération " de la Provence.
978-1020 : Lérins réapparaît dans l'histoire comme un monastère clunisien (St Mayeul et St Odilon, abbés de Cluny et de Lérins). A partir du 11ème siècle, nombreuses chartes de donation. En un siècle, établissement d'une centaine de prieurés en Provence et au-delà. Persistance de l'insécurité due aux " Sarrasins " puis aux Génois.
Vers 1047 : Nouvelle dévastation de l'île, capture des jeunes moines qui sont emmenés en Espagne. Ils seront rachetés par St Yzarn, abbé de St Victor de Marseille.
1327 : Installation d'un système de signalisations par des feux entre la tour du monastère fortifié et celle du Suquet. Vers 1391 : Les reliques de St Honorat sont ramenées d'Arles.
1400 : L'île est pillée par des pirates génois. Le bâtiment sera dès lors défendu en permanence par des serviteurs, puis des soldats provençaux (1437) puis français (1481), qui résideront en permanence dans les étages supérieurs du monastère fortifié.
1464 : Début de la commende. Augustin Grimaldi, troisième abbé commendataire, réforme l'abbaye en se démettant de la commende et en réunissant l'abbaye à la congrégation du Mont Cassin. Arrivée des premiers moines le 3 mai 1516.
16ème siècle : Première description du monastère fortifié par Barralis, soit 90 pièces (30 cellules, 1 église, 3 chapelles) pour 15-30 moines (nombre fixé par un décret du chapitre conventuel).
1635-1637 : Les îles sont prises par les Espagnols et occupées pendant deux ans. Ils fortifient toute l'île St Honorat en mettant des batteries de canons sur les chapelles. Après la reprise des îles, une importante garnison y séjourne en permanence.
A partir de 1636 : Le régime de la commende est établi définitivement, ce qui entraîne la décadence rapide de l'abbaye, fermée par une commission royale en 1788. Il ne restait alors plus que quatre moines. Le domaine du monastère est rattaché à l'Evêché de Grasse. 1
791 : Les îles sont déclarées Bien National. L'île St Honorat est achetée par divers propriétaires, dont l'actrice Blanche Sainval qui transformera le monastère fortifié en salons de réception.
1859 : L'île est rachetée par l'évêque de Fréjus, Mgr Jordany.
1869 : Arrivée sur l'île des premiers moines cisterciens de Sénanque (prés d'Avignon) qui sont à l'origine de la communauté actuelle.